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Anticipation en éducation différents avis pédagogiques

Si l’on reconnaît au pédagogue son effort pour dégager son activité d’enseignement de toutes formes de manipulation, ne peut-on le soupçonner de perdre alors sur un autre tableau ce qu’il semble avoir gagné là ? Faire de la différenciation une dynamique au cœur de laquelle se travaille en permanence le rapport du sujet aux savoirs, n’est-ce pas anticiper prématurément le statut de l’élève comme sujet ? L’anticipation en éducation n’est pas, d’une certaine façon, considérer l’éducation comme déjà terminée en supposant l’élève capable d’opérer des choix et de maîtriser lui-même ses processus d’apprentissage ? Il y a là une difficulté centrale de la réflexion pédagogique.

En effet, on se pose ici la question de la frontière entre l’enfance et l’âge adulte. L’enfant que l’on doit éduquer et l’adulte que l’on n’a plus le droit d’éduquer. Premièrement il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde. Et non pas leur inculquer l’art de vivre. Etant donné que le monde est vieux, toujours plus vieux qu’eux; le fait d’apprendre est inévitablement tourné vers le passé; sans tenir compte de la proportion de notre vie qui sera consacrée au présent. Deuxièmement, la ligne qui sépare les enfants des adultes devrait signifier qu’on ne peut ni éduquer les adultes; ni traiter les enfants comme des grandes personnes.

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Premier avis : la reconnaissance du sujet et l’anticipation en éducation

On connaît la réponse pédagogique à cette question dans sa forme banale. Tout enfant, dès sa naissance, serait déjà un sujet et il devrait être perçu et entendu comme tel. Dans cette perspective, c’est le statut que l’éducateur donne à la parole de l’enfant qui lui permet d’être sujet. D’ailleurs, s’il y avait des conditions à remplir pour être reconnu comme sujet, personne ne les remplirait toutes. En ce sens, l’éducation suppose la reconnaissance du sujet dans l’enfant, sans prérequis; sans attendre l’accès à l’âge de raison ou à la majorité civile. L’éducation consiste à engager une relation d’écoute sans préalable d’aucune sorte; à donner du sens à ce qui s’échange, au moindre geste, à la moindre transaction affective et cognitive. Ainsi comprise, l’éducation ne requiert rien d’autre qu’un regard, et la rencontre entre des sujets ne suppose la médiation d’aucune culture préexistante.

On reconnaîtra ainsi une posture qui fait de l’empathie et de la congruence de l’éducateur la condition à toute transmission de savoirs. Un parti pris pédagogique particulièrement répandu, qui voudrait que les enfants ne soient jamais capables d’être un jour citoyens si on ne les met pas, dès l’école maternelle, en situation d’exercer librement leur citoyenneté.

Dès l’école, dès la naissance même, l’éducateur entend l’homme dans l’enfant et le considère comme tel qu’il lui donne les moyens de le devenir. Aucune rupture entre l’enfance et l’âge adulte. Ce n’est qu’une affaire de degrés successifs d’autonomie; d’une autonomie qui peut se manifester dès la naissance sous des formes correspondant à chaque niveau de développement du sujet. En appliquant l’anticipation en éducation, le rôle de l’éducateur est alors d’anticiper cette autonomie pour la faire advenir. Et d’honorer l’enfant d’une confiance dont il saura toujours, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, se montrer digne.

Deuxième avis : L’éducation prépare l’enfant à devenir un sujet

Au contraire, d’autres pédagogues prennent cette position : l’éducation doit préparer l’enfant à devenir un sujet et elle ne peut donc pas le traiter déjà comme tel. Plus fondamentalement encore, l’éducation doit être bornée pour permettre l’émergence du citoyen. L’important c’est que la frontière existe et qu’au-delà de la frontière l’éducation n’est plus possible. Seul l’apprentissage le reste, mais un apprentissage qui se déroule à l’initiative de l’adulte; et sur des objets qu’il décide lui-même d’étudier. Poursuivre l’éducation au-delà de cette frontière, c’est engager, à proprement parler, un processus totalitaire que rien ne viendra arrêter puisque l’éducation n’est jamais terminée. Il faut que l’éducation soit bornée; et que l’accès à la citoyenneté de l’adulte ait ce caractère indiscutable qu’aucun argument de type psychologique sur la maturité; la conscience, l’anticipation en éducation ou le niveau de développement du sujet ne vienne contrecarrer.

Symétriquement, en amont, l’éducation doit être assumée comme un temps de sujétion nécessaire. Pendant son éducation, l’enfant doit rester sous l’autorité de l’adulte qui le protège de la violence. Et de la manipulation des hommes qu’il n’est pas encore en mesure d’affronter.

Dans cette perspective l’éducateur doit être celui qui présente le monde à l’enfant contrairement à l’anticipation en éducation de l’autonomie du sujet. En fait, il doit assumer sa tâche sans états d’âme. Il doit instruire l’enfant du monde ; et résister à la tentation pédagogique d’évacuer les contenus de connaissances au profit de méthodologies sans valeur culturelle propre. Aussi il doit, délibérément, introduire l’enfant au travail intellectuel exigeant qui est requis pour accéder à l’intelligence du monde. Il doit isoler l’enfant des violences psychologiques et physiques qu’il ne peut ni comprendre ni affronter. Il doit enfin résister aux pressions de ceux qui lui font croire que les enfants peuvent se gouverner eux-mêmes. Si tel était le cas, ils n’auraient pas besoin d’être éduqués.

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Pour conclure

Mais enfin, sommes-nous apparemment devant un dilemme difficile. En fait, le discours pédagogique se déploie, depuis quelques années, dans des démarches qui semblent anéantir le moment pédagogique; le dissoudre dans des techniques de conditionnement psychologique ou le transformer en un parcours étroitement déterminé. Cependant, l’espoir d’une pédagogie qui tournait résolument le dos au conditionnement et à la manipulation ; pour faire place au sujet gestionnaire de ses propres apprentissages… Mais, là aussi, comment peut-on installer le sujet apprenant comme organisateur de ses propres apprentissages alors qu’une telle position considère implicitement l’éducation comme déjà effectuée ? Le dilemme semble sans issue. À moins, peut-être, de renoncer à considérer le discours pédagogique comme un ensemble de propositions théoriques cohérentes et faisant système ? A moins d’y voir l’expression de contradictions qu’il faut assumer pour entrer vraiment dans l’intelligence de ce qui se trame quand un individu se donne pour projet insensé d’en éduquer un autre ?

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