Appropriation des connaissances les huit principaux facteurs
La première mission de l’école est de permettre à l’enfant l’appropriation des connaissances dont il aura besoin pour la suite de ses études et dans sa future vie d’adulte. Ces connaissances sont de natures différentes :
- Maîtrise des codes linguistiques (orthographe, grammaire, conjugaison…) ;
- Construction et capacité d’utilisation des outils mathématiques ;
- Organisation d’une culture concernant l’espace (géographie), le temps (histoire), la vie (biologie), la matière et les forces (physique et technologie)
- prise de conscience des règles de vie collective et du fonctionnement des institutions (éducation civique).
Il est peu probable que des domaines de connaissance aussi divers puissent faire appel aux mêmes mécanismes d’acquisition. Pourtant, pendant longtemps, l’école a fonctionné selon un mode unique : décomposition d’une connaissance en éléments simples, transmission orale de ces éléments dans un ordre logique ; appel à la répétition et à la mémoire stricte de textes résumant cette connaissance ; utilisation de l’interrogation orale ou écrite pour vérifier la mémorisation. Ce procédé se justifiait par la somme réduite de connaissances à transmettre, la lourdeur des classes, le nombre considérable d’enfants laissés pour compte. Il apparaît aujourd’hui que l’acquisition de connaissances pour un enfant est un processus complexe mettant en jeu différents facteurs.
L’activité de l’enfant pilier de l’appropriation des connaissances
L’activité de l’enfant. L’enfant n’est pas un sac, un vase que l’on remplit. Mais un organisme qui fonctionne intellectuellement, effectivement, physiquement qui garde l’empreinte plus ou moins durable de ses actions. La solidité de cette empreinte dépend en bonne partie de la quantité d’actions réalisées. De la solidité des diverses empreintes dépendra la possibilité, pour l’enfant ; de les mettre en relation et de créer ses propres capacités d’utilisation autonome des compétences acquises. Implications pratiques : dans de nombreux cas, la découverte d’une connaissance nouvelle doit être organisée sous forme de mise en place d’une situation d’activité. Cette activité doit solliciter chacun des élèves, faute de quoi seuls les plus spontanément actifs en garderont la trace. Il faut donc éviter la prise de pouvoir par un nombre réduit d’enfants et distribuer nous-mêmes l’activité ou la parole. La méthode maïeutique est par conséquent le plus souvent à éviter.
La transmission de données
Tout ce que l’humanité a accumulé de connaissances à travers les siècles ne peut être découvert spontanément par les enfants du seul fait de leur présence à l’école. Il va de soi que de nombreuses notions historiques, géographiques, scientifiques doivent être transmises aux élèves. Il en va de même de nombreuses données orthographiques ou grammaticales dont l’origine historique est tellement lointaine qu’elles paraissent arbitraires. Tout ne peut donc pas naître de la seule activité de l’enfant. Cela n’implique pas toutefois le recours à la seule transmission orale. Là encore, la trace laissée par la nouvelle connaissance dépendra en bonne partie de la place que l’on aura attribuée à l’activité de l’enfant.
L’acquisition de méthodes d’apprentissage
L’école permet à l’enfant de construire des connaissances. Elle lui en transmet d’autres. Tout cela ne suffirait pas si, au bout du compte, il restait totalement dépendant de la situation maître-élève pour toute acquisition de savoirs nouveaux. Il nous faut donc, à certains moments, mettre les élèves en situation de rechercher et d’acquérir de nouvelles connaissances. Puis de prendre conscience des méthodes d’acquisition et de s’entraîner à les utiliser de façon autonome.
La motivation stimule l’appropriation des connaissances
Dans notre système scolaire, les apprentissages socialement utiles sont nombreux, complexes, difficiles à acquérir. Le jeu, la relation aux autres, la rêverie sont beaucoup plus séduisants a priori. Pour un enfant de six à dix ans, le seul fait que les apprentissages soient obligatoires n’est probablement pas suffisant pour l’enthousiasmer ! C’est donc à l’école de donner à l’enfant une raison d’apprendre, une motivation. L’histoire de la pédagogie nous montre différentes tendances en la matière. Depuis les partisans de l’apprentissage par le jeu jusqu’aux adeptes des méthodes fondées sur les besoins naturels de l’enfant. Il est probable, en fait, que la meilleure motivation d’apprentissage dans un domaine donné tient à deux facteurs, à deux attitudes :
- donner du sens : montrer aux enfants que les savoirs scolaires ont une utilité. Cela implique que les instituteurs se préoccupent non seulement de construire les apprentissages en lecture, expression écrite, mathématiques etc. Mais aussi dans le même temps, de mettre en place des situations permettant à l’enfant de vivre réellement la langue écrite comme moyen de communication. Les outils mathématiques en tant que possibilité de surmonter une situation complexe. La création de sens ne peut se limiter à un discours du maître : elle doit se vivre. appropriation des connaissances
- permettre l’appropriation des connaissances : l’école est un lieu de vie collective. C’est une bonne chose, dans la mesure où cela permet les apprentissages sociaux. Cela peut aussi présenter des risques d’étouffement de la personnalité individuelle. Fonder une partie des apprentissages sur des objets avec lesquels l’enfant entretient un rapport affectif fort peut permettre d’éviter cet écueil. Et de provoquer l’apparition d’un rapport personnel à l’activité d’apprentissage, une appropriation.
Le rôle du temps
Ce point est complexe. PIAGET nous apprend que dans les processus de création des connaissances, les enfants passent par deux types de phases. Les phases d’assimilation pendant lesquelles ils stockent de nouveaux savoirs. Et les phases d’accommodation au cours desquelles ils modifient leur activité, leur comportement, leur rapport aux autres et au milieu, en fonction de ces savoirs nouveaux.
Le bon sens nous montre par ailleurs que certains savoirs et savoir-faire sont acquis une fois pour toutes (connaissance de la langue maternelle, usage de la bicyclette, etc.). Mais que d’autres peuvent se perdre si nous ne les entretenons pas. Il est en outre évident que, selon l’âge et la difficulté de l’activité en question, les enfants ne peuvent adhérer que pendant un temps limité. Tout cela est évidemment riche de conséquences pédagogiques. Nécessité de ménager des temps d’acquisition des connaissances, des temps d’utilisation des acquis pour permettre l’accommodation. Prévoir des moments d’entraînement ou de réentraînement, de morceler les séquences… La gestion du temps dans les processus d’apprentissage est un des points les plus délicats du métier d’instituteur.
Le rôle de l’âge dans l’appropriation des connaissances
En fait, il serait vain de chercher à faire maîtriser la mise au point d’expériences avec élaboration d’hypothèses; exploration de tous les possibles ; vérification et mise en évidence d’une loi, à un enfant de sept ans dont la pensée logique ne le permet pas encore ! Il faut toutefois se méfier aussi du sous-emploi intellectuel à l’école. A titre d’exemple, remarquons qu’il n’est pas rare de rencontrer des cours préparatoires dans lesquels l’activité mathématique se limite à l’acquisition des premiers nombres; et de l’addition sans que les enfants soient confrontés à la moindre situation de réflexion. Dans ce cas, disons que la notion de stade ne peut que faire retarder le processus d’évolution. A l’inverse, il serait tout à fait anormal d’organiser les activités scolaires en ne se fondant que sur la réussite des plus avancés.
Le statut symbolique des apprentissages
L’idée qu’un enfant se fait d’une activité scolaire ne se limite pas à ce qu’il en perçoit en classe à travers ses propres actions; celles des autres, celles de l’instituteur. Il en a une image mentale qui tient aussi au statut de cette activité dans sa famille. Disons, à titre d’exemple, que la présence du livre à la maison, le type d’usage qu’en font ses parents; les difficultés de lecture d’un ou plusieurs membres de sa famille interviennent fortement dans la façon de ressentir l’apprentissage de l’écrit. Plus généralement, l’image d’une appropriation des connaissances dépend en bonne part; du passé d’échec ou de réussite des parents, frères et sœurs. Et de la façon dont le milieu familial investit dans la scolarité ou considère l’échec comme une fatalité.
D’autre part, il faut noter que l’histoire personnelle d’un enfant peut comporter des épisodes qui perturbent certains apprentissages. Il est toutefois important, en cas de difficulté pour un élève dans une matière donnée; de rechercher le dialogue avec la famille afin de faire apparaître l’intérêt de l’activité, et d’essayer de cerner son statut dans la famille.
Les phases d’apprentissage
La plupart du temps, lorsqu’il s’agit de construire une connaissance nouvelle ; il est nécessaire de passer par un moment de découverte ; fondé sur la mise en évidence, l’explication, le raisonnement. Cette phase, dont la durée varie selon l’évolution psychologique de l’enfant, est en général tout à fait insuffisante pour que la nouvelle connaissance soit considérée comme acquise. On recourt alors à une stratégie de fixation qui peut, elle-même, comporter plusieurs temps. Des moments de montage d’automatismes (apprentissage de listes de nombres, de mots, de règles, etc.) ; d’autres moments d’entraînement à l’utilisation d’une donnée (exercices divers) ; des temps de recherche permettant d’utiliser cette nouvelle connaissance ; des moments de rappel et de réutilisation programmés dans le temps.
Il est important de veiller aussi au stockage des informations, notions ou données soit sous forme individuelle. Soit sous forme collective, affichages muraux par exemple. Cela permet de retrouver les traces des activités passées et de renforcer la fixation. Dans tous les cas, il faut se persuader qu’un apprentissage ne devient pas durable par hasard. C’est à l’instituteur de bien organiser ces différents temps.