Bien analyser et comprendre les performances de nos élèves
Certes, ce qui est en jeu, c’est la prise d’informations utiles pour conduire l’action. Au jour le jour, l’observation est la forme première de l’analyse. Tout enseignant avisé sait voir dans le regard et l’attitude des enfants autant que dans leurs productions des signes d’incompréhension, de décrochage… Dans les exercices et travaux quotidiens, le maître pointe les erreurs, les lacunes… C’est son attitude par rapport à cette information qui est déterminante dans la perspective adoptée ici. Cette attitude a deux facettes. S’agissant des contenus d’apprentissage, le maître doit dépasser la question de la quantité pour s’interroger sur la nature des erreurs. En allant plus loin, rechercher comment faire pour les corriger et les dépasser. S’agissant de chaque enfant, il lui faut analyser et comprendre les progrès réalisés et définir les efforts encore à faire. Ce recueil d’informations permet de réorienter l’action pour intervenir avant que des lacunes s’accumulent.
Adapter l’acte pédagogique
En effet, une difficulté majeure réside dans l’analyse des productions des élèves. Pour aller au-delà du constat d’erreur, il faut maîtriser, analyser et comprendre un cadre d’interprétation fait à la fois de connaissances sur les contenus d’apprentissage et de principes de compréhension de la façon dont les élèves construisent leurs apprentissages. L’analyse faite, l’obstacle suivant consiste à prévoir des travaux adaptés pour que la correction puisse opérer. Les maîtres doivent être capables d’une certaine variabilité didactique. C’est-à-dire maîtriser différentes manières d’expliquer, de faire travailler en variant les tâches, les supports… C’est l’acte pédagogique qui doit s’adapter pour gagner en efficacité.
L’essentiel se passe dans la classe, dans cette rencontre que le maître a la charge de rendre féconde entre des enfants tous différents et des objectifs identiques pour tous. L’analyse des productions et performances des élèves s’arrête pourtant encore trop souvent à la porte de la classe. Les maîtres sont prompts à évoquer les caractéristiques sociodémographiques des élèves qu’ils voient en difficulté. Les enseignants spécialisés, les psychologues scolaires en particulier, sollicités pour les diagnostics, ont, eux, tendance à rapporter les problèmes aux caractéristiques intrinsèques des individus. Dans l’un et l’autre cas, les facteurs internes à l’école sont souvent à évacuer.
Certes, des difficultés à faire face aux exigences scolaires ont des origines externes. Nul ne peut nier que l’expérience des enfants dans leur milieu de vie. Les modes d’éducation, la langue des échanges familiaux… créent des bases de connaissance, des attitudes et des attentes plus ou moins en connivence avec les usages de l’école. Nul ne conteste non plus que la maturation est un phénomène individuel. A âge égal, les potentialités ne sont pas exactement identiques.
Analyser et comprendre l’objet d’apprentissage
Ni les anomalies génétiques ni les atteintes organiques, c’est-à-dire les origines des handicaps, ne se corrélent à l’appartenance sociale. La proportion plus forte des enfants de familles dites défavorisées en difficulté ou en échec est certainement en relation avec les décalages socioculturels. Et c’est cela que l’école doit prendre en considération. Elle est autant le lieu de la mise en œuvre des acquisitions antérieures (contenus mais aussi structures du raisonnement, modes de fonctionnement cognitifs, attitudes…) que celui d’apprentissages nouveaux. C’est par l’aménagement des conditions d’apprentissage, l’explicitation des exigences, le raisonnement sur les erreurs et les succès… qu’il convient de mettre les enfants en situation de réussir mieux.
Les bons élèves utilisent spontanément toutes les ressources, entendent les implicites autant que les explications. Pour les autres, il faut une pédagogie très explicite. C’est aussi par la rigueur, voire par une approche éthique de ses pratiques, que l’on évite certaines injustices comme celles qui consistent à négliger toujours les progrès ou à analyser et comprendre ce qui n’a pas été objet d’apprentissage. A cet égard, il serait intéressant de voir ce que l’on enseigne à propos de la compréhension en lecture avant de l’évaluer.
Respecter les rythmes d’apprentissage
On dit beaucoup que la scolarité en cycles doit respecter les rythmes d’apprentissage et l’on fait, aussi, bien des contresens. Ce n’est pas la lenteur intrinsèque de certains enfants qui est en cause. Mais, raisonnablement, l’hypothèse à faire sur les parcours d’apprentissage. Parce que les détours et les médiations doivent être plus nombreux pour certains élèves, seront un peu plus longs. Les enfants jeunes dans leur classe d’âge, ceux de la fin de l’année civile, ne sont pas définitivement des enfants immatures. Mais l’hypothèse peut être faite que les débuts des apprentissages seront marqués de légers décalages. Et qui risquent d’être source d’échecs si les conditions ne sont pas aménagées.
À cet égard, la rigidité de l’attitude par rapport à l’âge est excessive. Il devrait devenir banal de considérer qu’un an de décalage au terme de la scolarité primaire par rapport à l’âge théorique idéal ne témoigne pas d’un retard rédhibitoire. Ni d’ailleurs, en sens opposé, d’une géniale précocité. Cependant, cet écart d’âge n’est acceptable que s’il a permis d’effectuer les apprentissages de base de l’école primaire. Ce qui aujourd’hui est très loin d’être le cas pour les élèves dits en retard. Le mode de gestion de l’année supplémentaire sous forme du redoublement traditionnel est largement responsable de ce déficit.
Les enseignants ne peuvent méconnaître les effets de pratiques scolaires. Enseignements qui éludent certains éléments de complexité des savoirs scolaires. « Malmenage » des avancées au même pas pour tous et de l’uniformité des modes de travail. Démotivation née du resserrement sur les disciplines instrumentales ou dilution des apprentissages dans des pratiques d’agrément… Analyser et comprendre, faire des bilans d’étape régulièrement doit amener à des interrogations globales, portant sur ce qui a été fait et sur ce que sont les enfants qui n’en tirent pas profit.
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