Comment créer un esprit d’innovation aux établissements scolaires
Pour des établissements scolaires de qualité qui assure un minimum d’égalité des chances, les changements concrets portent sur les grands domaines de la rénovation du parcours de formation du primaire au secondaire jusqu’à l’université, la création de nouveaux espaces d’initiatives, l’enrichissement de la pédagogie et la modernisation des diplômes…
Mode de pilotage
II faut le dire clairement : un certain mode de pilotage des établissements scolaires a atteint ses limites. Les circulaires s’ajoutent les unes aux autres au point que certains, notamment les chefs d’établissement, parlent désormais d’une forme d’harcèlement textuel. La succession répétitive des instructions et des ordres altère sans doute, l’attentisme et le scepticisme chez les enseignants en classe sans se rendre compte. Elles sont jugées sur le terrain comme inadaptées et sont, de fait, de moins en moins respectées. II en résulte une forme d’interrogation sur la capacité de l’administration, dans sa structure actuelle, de traduire ces circulaires en actions. La réalité du terrain m’a conduit à reconnaître que beaucoup de questions se règlent au niveau local et donner des instructions trop détaillées revient à douter de la compétence des personnels dans les établissements ainsi que de leur intelligence des situations.
Privilégier l’initiative
Choisissons la confiance et privilégions la démocratisation des idées, des initiatives et des responsabilités aux établissements scolaires, mais que cela ne veut pas dire totalement par l’abandon des professeurs à eux-mêmes dans tous les cas. Si elle ne veut pas être perçue comme la politique du « débrouillez-vous», la déconcentration ne doit pas s’apparenter à un abandon commode de responsabilité par les échelons supérieurs : i1 ne s’agit pas, au prétexte de l’autonomie, de transférer toute la charge sur les établissements et les enseignants qui auraient ainsi, seuls et tous les jours, à refonder la légitimité de leur enseignement et de leurs choix pédagogiques.
Promouvoir une nouvelle orientation de gouvernance fondée sur la valorisation de l’initiative locale et la recherche de la qualité. Voilà quelles sont mes préférences envers tous ceux qui sont concernés par l’action et notamment les directions des établissements scolaires aussi les preneurs de décision dans ce domaine. L’accent sera donc mis sur l’innovation dans les établissements scolaires.
L’innovation dans les établissements scolaires :
L’établissement scolaire peut être considéré comme une organisation qui a:
- Missions à remplir,
- Objectifs à atteindre,
- Activités à mener.
C’est une organisation confrontée à des demandes nouvelles auxquelles il lui revient de répondre par une bonne gestion des processus de changement.
Ce qui met en tension deux pôles du management tout aussi fondamentaux car ouvrant sur la vie et permettant le développement des projets :
* la flexibilité conduisant à la décentralisation, à la différenciation,
* et le contrôle conduisant à la centralisation, à l’intégration.
Ces deux dimensions se retrouvent dosées différemment. Si l’une d’elles manque, le système ne se développe pas correctement, même s’il peut survivre un certain temps.
Le profil du chef d’établissement novateur
Ce que je présente ne constitue pas une recette établie à suivre à la lettre pour devenir un « bon chef d’établissement novateur », mais une réflexion découlant de travaux de recherche réalisés en équipe. L’objet était d’essayer de distinguer les dirigeants de nos établissements dans lesquels des pratiques pédagogiques innovantes et adaptés avaient mis en œuvre ou planifiés. La question n’était pas d’apprécier ces établissements ou leur direction, mais de savoir quelles méthodes ils utilisaient et quelles qualités étaient les leurs pour être en mesure d’impulser une nouvelle dynamique incitant les équipes dont ils étaient responsables ou pour faire aboutir des innovations et des changements bénéfiques. Dans le cadre de cette recherche-action, j’ai donc rencontré les acteurs des établissements publics et privés.
Une culture de l’innovation
Le chef d’établissement novateur doit être insatisfait, anticipateur et volontariste. Il n’est pas un exécutant aveugle, mais est en continuelle recherche, à la fois actif et proactif.
Ce chef d’établissement novateur est capable de prendre du recul par rapport à l’action. Il travaille à la constitution des équipes, il délègue, Il est attentif aux ressources, au positionnement externe, il rend l’action visible. Il remet aussi en perspective certaines priorités. On peut dire qu’il est en réelle situation de pilotage.
Il s’agit de permettre aux personnes d’échanger dans un climat de sécurité et de liberté pour que toutes les questions, les différences et les conflits soient abordés et que des représentations puissent être élaborées en commun.
Le rôle de conseil s’exerce sous deux formes :
– une forme classique (des modules, des stages, des formations externes traditionnelles),
– et une forme d’animation. C’est cette seconde forme qui me paraît la plus intéressante à développer en contexte d’innovation. C’est une position de médiation, très délicate et qui ne s’improvise pas.
Le rôle de liaison assure un lien avec l’extérieur. L’accompagnateur peut alors être celui qui, dans cette Optique, crée des liens, met en rapport, met en réseau, favorise les coopérations.
L’innovation : une compétence partagée
Le concept d’« organisation apprenante », référé à celui d’établissement scolaire, peut apporter, un éclairage intéressant sur ces questions. Une réflexion a été menée. Des rencontres avec des enseignants, avec des chefs d’établissement, observations de situation de classe… a permis de faire ressortir les peurs, les tentations, les doutes des équipes aussi bien que la construction de leur confiance et de leur action. Ces témoignages ont été analysés. Ils pointent des aspects importants.
Aspects importants dans les témoignages
- développer la maîtrise personnelle ou passer d’une formation acquise une fois pour toutes à une formation permanente. Dans cette perspective le point de départ est l’individu et le développement de son autonomie. Il conduit une réflexion en cours d’action, il s’accomplit à travers des projets. A partir de là se développe son professionnalisme.
- remettre en cause les modèles mentaux fondamentaux, ou passer de la dictature des modèles mentaux à leur remise en question. Pour vivre, nous avons besoin de présupposés, d’habitudes, de routines. Néanmoins, ceux-ci ne doivent pas devenir des carcans.
- s’engager personnellement autour d’une vision partagée ou passer d’actions individuelles à des projets portés collectivement. Construire un projet collectif, même d’une manière très modeste, facilite l’émergence d’un accord commun.
- développer une volonté d’apprendre en équipe. Apprendre et travailler en équipe se construit au sein de l’équipe et doit être favorisé par des conditions structurelles et organisationnelles (la construction de l’emploi du temps. . .)
Un travail d’équipe est nécessaire
Il faut savoir ce que l’on veut, à quoi sert l’équipe, quelle est sa valeur ajoutée, quel temps et quelle énergie elle va requérir. Une analyse commune du contexte, des situations, des ressources stimulera la créativité. Le travail en commun peut permettre le développement d’un capital collectif, d’une mémoire, d’une énergie fondée sur l’échange, le débat, les tensions et le plaisir de travailler ensemble.
Lorsqu’une organisation devient davantage apprenante, une culture d’apprentissage se met en place. Les savoirs communs se développent dans un contexte de plus grande liberté de parole, de respect de l’autre, de confiance. Les échanges peuvent se dérouler sans jugement cassant, sans attitude ironique ou destructive. Les études relatives à l’innovation en entreprise ont montré combien les entreprises innovantes ont développé plus que les autres une culture maison, caractérisée par une critique constructive. C’est ce que je souhaite pour tout éducateur, quelle que soit sa position professionnelle, dans les systèmes éducatifs auxquels il participe.
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