Pédagogie

Comment construire du sens ?

Pour pouvoir lire à haute voix et d’une manière intelligible, l’apprenant a besoin de comprendre. Plusieurs éléments s’avèrent indispensables pour atteindre cet objectif. Dans cet article, on va essayer de répondre à la question : « comment construire du sens ? » et on se contentera de deux éléments essentiels dites : piliers de la compréhension. En effet, on construit du sens à partir d’une perception visuelle et d’un travail de l’intelligence. Les points qui suivent traiteront ces deux piliers de la lecture intelligible voir même expressive.

La perception visuelle

Pour tous ceux qui ne sont pas non-voyants, la lecture se fait avec les yeux. Ni les oreilles ni la voix n’ont de rôle à y jouer. Les non-voyants, eux, remplacent la perception visuelle par une perception tactile qui fonctionne sensiblement de la même manière. Les données de la perception visuelle sont mises en relation par le cerveau avec les savoirs antérieurs afin de permettre une construction de significations en relation avec le projet de lecture.

Or de très nombreuses et souvent très anciennes recherches sur la perception en général et sur la perception visuelle en particulier remettent complètement en cause la représentation que l’on se faisait du travail des yeux dans la lecture. On a longtemps cru que les yeux identifiaient, les unes après les autres, chacune des lettres constituant le message, que ces lettres étaient alors mécaniquement assemblées selon les règles apprises au CP, ce qui pouvait conduire au sens.

différence de perception

Œil en mouvement

Malheureusement, des données très précises sur la physiologie de la vision démentent cette théorie : il ne peut y avoir perception visuelle si l’œil est en mouvement. Ainsi, tout voyageur d’un train en mouvement peut constater qu’il ne peut lire le nom d’une gare. Il doit y avoir fixation de l’œil en un endroit précis pour que des données perceptives puissent être enregistrées par le cerveau. Il balaye la ligne par le regard, mais l’œil ne perçoit pas tout ce qu’on a écrit sur la ligne. Si l’œil ne perçoit pas tout, c’est que tous les détails à percevoir n’ont pas la même importance et qu’il faut donc être capable de choisir les bons !

La vitesse de la lecture

Une autre information vient compléter notre connaissance de ce rôle joué par les yeux : c’est la vitesse de la lecture qui influence la compréhension et même la mémorisation de ce que nous avons lu. Cela peut paraître évident quand on est habitué à associer vite et avec « bâclé » les expressions. Mais ce qui est surprenant, c’est de savoir que d’une part, les différences constatées en vitesse de lecture vont de un à dix d’un individu à l’autre, et, que d’autre part, tout le monde a la même vitesse de déplacement oculaire. Pour chacun d’entre nous, l’œil se fixe durant environ un tiers de seconde à un endroit du texte, se déplace durant un quarantième de seconde au cours duquel aucune perception visuelle n’a lieu, pour se fixer à nouveau durant un tiers de seconde un peu plus loin. C’est au cours de ces fixations que s’effectue le tri des détails à retenir pour construire le sens recherché. Si la vitesse de déplacement oculaire est la même pour tous, c’est bien évidemment que la cause de la vitesse de lecture est ailleurs ! En fait, la vitesse de lecture dépend de trois facteurs.

La capacité de concentration intellectuelle.

Elle est très faible chez la plupart des adultes que nous sommes. Mais ce n’est pas étonnant quand on songe que rien à l’école n’est prévu pour la développer, au contraire. Or, c’est par l’entraînement de la maîtrise corporelle, musculaire et respiratoire que peut se développer le pouvoir de concentration intellectuelle. La rareté, voire la pauvreté de ce type de travail à l’école, volontiers considéré comme secondaire par beaucoup, et notamment par les parents qui font parfois pression pour qu’« on ne perde pas de temps à ça », explique ces lacunes pour construire du sens.

Une occasion de plus pour réaffirmer l’absolue égalité de toutes les disciplines d’enseignement. Aussi la globalité nécessaire du projet d’éducation. En plus, l’importance de l’éducation physique, comme dimension fondamentale de l’éducation. Encore, la nécessité de prendre en compte toutes les dimensions de la personne, si l’on veut que le travail d’éducation mérite son nom.

concentration pour la lecture

L’ampleur du champ couvert à chaque fixation oculaire.

Si certains lisent jusqu’à dix fois plus vite que d’autres, c’est grâce au nombre réduit de fixations dont ils ont besoin pour lire la même page. Plus ce champ (qu’on nomme aussi « empan visuel ») est étendu, plus vite les yeux seront au bas de la page. Mais on constate aussi que chaque détail aura été perçu plusieurs fois, car, si l’empan est grand, les fixations de l’œil se recouvrent partiellement.

On comprend mieux, dès lors, pourquoi un lecteur rapide comprend et retient plus de choses qu’un lecteur lent : celui-ci a en général un empan réduit et ne peut donc percevoir que peu de détails à la fois ; ses fixations se touchent mais ne se recouvrent pas. Il ne voit donc chaque détail qu’une seule fois et, si sa mémoire n’est pas extraordinaire, il ne peut pas retenir grand-chose ; la compréhension se fait mal et la mémorisation est presque nulle.

La finesse de discrimination visuelle

Nous avons dit tout à l’heure que l’œil ne percevait pas tous les détails à voir. Ces détails n’avaient pas tous la même importance et qu’il fallait apprendre à reconnaître les bons.

Le problème vient de ce que, la plupart du temps, les détails importants, ceux qui vont devenir des « indices pertinents ». Ils sont très petits, limités à une lettre, parfois moins encore. Par exemple un accent : « chante »/« chanté » ou l’orientation d’un accent : « les prés »/« près de… ».

Il importe donc d’aider les enfants à augmenter à la fois leur empan visuel et leur finesse de discrimination perceptive. Inutile de préciser, au passage, l’importance de ces capacités dans la maîtrise de l’orthographe par la suite.

L’activité perceptive s’accompagne nécessairement d’un travail mental qui met en relation ce qui est perçu avec ce qui est connu. C’est d’ailleurs vrai de toute perception sensorielle, qui n’est pas, comme on a pu le croire, un phénomène passif. Mais bel et bien une activité de l’intelligence. C’est ce travail de mise en relation qui détermine le tri des détails à retenir, à partir desquels le sens sera construit.

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