Les diverses disciplines qu’il s’agit de travailler en classe offrent des situations qui permettent de se familiariser avec toutes les conduites discursives. Dans certaines situations, l’enseignant peut proposer aux élèves de produire ensemble une explication par exemple. Dans d’autres, avec des enfants plus expérimentés, cette tâche pourra être demandée à un seul enfant. La difficulté est plus grande dans le second cas. La production est plus longue. L’élève résout seul les problèmes d’organisation et de choix des mots. En produisant des énoncés, chacun s’efforce de prendre en compte les enjeux en choisissant la conduite discursive qui convient le mieux. L’adulte qui maîtrise la compétence langagière orale joue sans peine, mais l’enfant doit tout apprendre. Si la conduite narrative est familière à l’enfant car elle est couramment pratiquée dans le milieu familial ou social, les autres conduites, et particulièrement la conduite explicative, ne le sont pas.
Ainsi, pour convaincre un interlocuteur, on peut fournir des explications ou raconter des faits exemplaires et probants, réfuter des objections possibles. Pour cela, on prend appui sur ce que l’on sait de l’interlocuteur. Il s’agit donc d’une tâche complexe qui mobilise des compétences diverses pour atteindre le but poursuivi et résoudre les problèmes qui surgissent à travers les réactions de l’interlocuteur, qui n’ont pas tous été prévus à l’avance. De la même façon, raconter de manière intéressante un événement vécu, en évaluant le temps dont dispose l’interlocuteur pour l’écouter, n’est pas non plus aisé. Sur ce plan, les différences, voire les inégalités entre enfants sont importantes et c’est donc à l’école d’enseigner ce qui est moins familier, de corriger les inégalités. La construction de situations didactiques est un des aspects à envisager. Mais l’aide apportée par l’enseignant, grâce à ses interventions orales, est l’autre aspect fondamental du métier.
Quelles conduites dans la classe ?
Les conduites discursives mises en œuvre par les élèves sont fonction des situations successives qui prennent place dans les diverses phases de la démarche disciplinaire. Les élèves vont se trouver dans des situations de communication dont les enjeux vont varier. Dans une première phase, l’enseignant mobilise les souvenirs pour rappeler par exemple une expérience faite quelque temps auparavant. Les élèves rendent compte de la succession des actions, décrivent et expliquent ce qui s’était produit à ce moment-là. Puis c’est leur vécu personnel qui est mobilisé. Certains donnent des explications, d’autres racontent, d’autres encore font des rapprochements, énoncent des lois générales et cherchent à convaincre, en argumentant, en réfutant. Enfin, un travail sur le lexique s’effectue. Il s’agit de nommer précisément le phénomène mentionné.
Mettre en place des situations qui favorisent des conduites variées
Les élèves s’expriment et adoptent donc diverses conduites langagières. La situation, de par ses objectifs, provoque en elle-même cette diversité. Cependant, il s’agit de concevoir aussi d’autres situations qui permettent aux élèves d’exercer et d’améliorer leur maîtrise des divers types de discours. Les élèves produisent des énoncés non toujours classables dans les conduites discursives répertoriées par les typologies. Certaines des productions ne sont pas des conduites organisées mais se réduisent à ce qu’on nomme des actes langagiers, relativement brefs. Et qui peuvent constituer une séquence dans une conduite identifiable comme l’explicatif ou le narratif.
Dans les situations de conseil, par exemple, de tels actes sont d’une certaine manière ritualisés : « faire une proposition ». Celle-ci peut donner lieu à des conduites de justification ou d’argumentation, mais il y a d’abord cet acte. Mettre en cause quelqu’un est de même nature et obéit à certaines règles syntaxiques. On peut encore évoquer la dénomination qui peut intervenir dans une conduite explicative, en sciences ou en technologie par exemple, ou encore dans une description. Ces actes s’enseignent et prennent place dans des situations variées.
Les différentes conduites discursives
- La conduite narrative. Raconter, c’est produire un discours centré sur un déroulement chronologique finalisé. La structure narrative a été depuis longtemps mise en évidence. Le type narratif est le plus étudié des conduites discursives.
- La conduite descriptive. Décrire, c’est produire un discours dont les éléments ne sont pas arrangés selon un ordre causal mais cependant hiérarchisés. Le lexique joue là un rôle important.
- La conduite explicative. Expliquer, une notion très controversée. Cependant, on peut dire que le but du discours explicatif est de faire comprendre quelque chose à quelqu’un; de montrer les liens de cause à effet qui relient les faits entre eux. Expliquer, c’est répondre aux questions : pourquoi ? Comment ? Cela suppose une situation inégale. L’énonciateur sait et son interlocuteur supposé ne pas savoir.
- La conduite prescriptive. Prescrire, le but du discours prescriptif ou injonctif est de faire exécuter une tâche. L’organisation du propos dictée par la logique de la succession des actions à accomplir.
- La conduite argumentative, une des conduites discursives. Argumenter, le but du discours argumentatif est de remplacer, chez son interlocuteur, une croyance par une autre croyance. Créer une situation qui requiert la conduite argumentative suppose de mettre les élèves en obligation d’avoir à se mettre d’accord; sous peine de les voir se rendre au plus offrant, au mieux disant. Par là même, le contenu ou le sujet doit être fort et enrôlant. L’objectif essentiel du travail sur l’argumentatif semble alors être la prise en compte de l’autre par une réflexion métacognitive et méta langagière.
- La conduite justificative. Justifier, le but du discours justificatif est de répondre à la question « pourquoi affirmer cela ? ». Ce n’est en effet pas un discours familier aux enfants. Surtout, ils n’ont pas forcément l’occasion, dans leur milieu familial, de développer cette conduite, particulièrement dans des situations d’apprentissage scientifique.
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