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Décodage auditif et fonctions des faits phonétiques

Dans cet article consacré au décodage auditif, nous examinerons d’abord les recherches en langue maternelle portant sur l’apprentissage de l’écoute chez l’enfant. Nous verrons ensuite quel est le rôle joué par les faits segmentaux et suprasegmentaux. Les études empiriques en langue étrangère sont encore peu nombreuses étant donné que la composante phonétique a longtemps été perçue comme un aspect marginal dans l’enseignement d’une langue étrangère. On considère aujourd’hui comme un fait établi que des difficultés à communiquer oralement en langue étrangère sont liées à des problèmes d’apprentissage de faits phonétiques.

phonétique

L’apprentissage de l’écoute chez l’enfant en langue maternelle

Comment les mécanismes nécessaires pour communiquer verbalement s’installent-ils chez l’enfant ? A la naissance un enfant est prêt à entendre n’importe quelle langue. Un bébé apprend à écouter en reconstituant des formes sonores à partir de ce qu’il entend et de ce qu’il voit (les mimiques). Par un processus d’ajustements progressifs, il adapte également ce qu’il est capable de produire à ce qu’il entend. L’enfant construit son écoute sans y prêter attention. Il apprend petit à petit à entendre, à reconnaître et à comprendre le même sens exprimé par des énoncés toujours un peu différents et prononcés par les personnes de son entourage.

L’activité de segmentation des unités comme les mots, les syllabes, les phonèmes provenant du flux acoustique est cruciale pour la compréhension. Cette segmentation se fait de façon naturelle dans l’apprentissage de la langue maternelle. Ou de la langue étrangère lorsque les apprenants sont de jeunes enfants. Mais ce n’est plus le cas lorsqu’on a affaire à des adolescents ou à de jeunes adultes. Ils ont déjà acquis des habitudes perceptives dans leur langue maternelle.

Par ailleurs, l’enfant est très sensible aux changements d’intonation qui rendent compte de l’attitude de l’interlocuteur à son égard. Il reconnaît assez vite deux variantes intonatives d’un même énoncé. Il peut ainsi assez bien capter, par le ton de la voix, deux messages illustrés par un même énoncé. Avec le temps et l’apprentissage, l’enfant construira un comportement d’écoute qui lui est propre et qui intégrera de nombreuses variantes langagières et individuelles dépendant du milieu dans lequel il vit.

Les fonctions démarcatives des faits phonétiques

Avant d’aborder la recherche portant sur le décodage auditif, et plus particulièrement sur les fonctions des faits phonétiques, nous aimerions expliquer ce que l’on entend par faits segmentaux et suprasegmentaux. On englobe sous le terme « faits segmentaux » les voyelles et les consonnes. Les voyelles se distinguent phonétiquement de consonnes en ce que la colonne d’air ne rencontre pas d’obstacle dans l’émission des premières. Et qu’un obstacle se forme dans le cas des secondes. Par ailleurs, les voyelles sont perçues comme stables. Alors que les consonnes subissent plus facilement l’influence d’autres sons qui entrent en contact avec elles. Les faits suprasegmentaux quant à eux, regroupent des éléments comme l’intonation, l’accent et le rythme.

Les faits segmentaux et suprasegmentaux jouent un rôle important dans le décodage auditif en signalant, entre autres, les frontières entre les mots, les syntagmes. Ou en mettant en relief un élément dans un énoncé. La réception de la parole analysée du point de vue de la théorie du traitement de l’information se fait en une série d’étapes où l’on passe d’un niveau sensoriel à un niveau cognitif.

Ainsi, l’oreille capte le flux sonore et en extrait des indices acoustiques pertinents. Transmis à leur tour à la mémoire qui continue le traitement de l’information pour en arriver à une représentation mentale signifiante. La transformation des sons en éléments de signification s’appuie sur la différenciation hémisphérique du cerveau. En effet, l’hémisphère droit est plus spécialisé dans le traitement de la musique, de l’intonation, des émotions. Alors que le gauche traite surtout les éléments linguistiques, phonétiques et cognitifs du langage. Les deux hémisphères fonctionnent toutefois en étroite relation. Ils se rendent mutuellement service en compensant en cas d’insuffisance de l’un d’eux.

décodage auditif

Que perçoivent les auditeurs d’un texte ?

Les chercheurs s’entendent d’habitude pour dire que le locuteur natif perçoit des mots. La reconnaissance des mots s’effectuerait selon un processus d’activation de mots possibles, à partir des premiers sons entendus, suivi par une élimination des mots incompatibles dans l’environnement linguistique. Ainsi, on note que plusieurs segmentaux (voyelles et consonnes) joueraient le rôle de frontières démarcatives entre les mots. Il s’agit, par exemple, des occlusives glottales ([k], [g] en français) et des sons laryngiens à l’initiale d’une syllabe. Mais il est difficile de déterminer avec précision les faits segmentaux jouant le rôle de frontières, étant donné qu’ils sont tributaires de nombreuses variables, entre autres, le débit, l’environnement phonétique, etc.

Les suprasegmentaux (l’intonation, l’accent et le rythme) participent aussi au processus de reconnaissance des mots. C’est ainsi que l’accent qui met en relief certaines syllabes initiales ou finales tient aussi le rôle de frontière démarcative. C’est le cas en particulier pour le français. L’accent et l’intonation servent également à établir des frontières entre les syntagmes. Ainsi, l’accent et l’intonation ont une fonction démarcative passive, dans le cas où la structure syntaxique est porteuse de la charge intonative. Ou une fonction démarcative active lorsqu’ils signalent la présence ou l’absence de relations syntaxiques. Plusieurs recherches montrent aussi que les suprasegmentaux sont de bons indicateurs de frontières phrastiques et textuelles entre les paragraphes. Ce faisant, les suprasegmentaux facilitent le traitement de l’information sur le plan du regroupement des éléments dans la mémoire à court terme. Laquelle peut alors les acheminer normalement vers la mémoire à long terme.

Autres fonctions du décodage auditif

Les suprasegmentaux (intonation, variations mélodiques) guident l’auditeur dans la reconnaissance des voix et l’aident ainsi à isoler facilement un message. Outre cette fonction de guide, ils sont aussi utiles pour mettre en relief un ou plusieurs éléments dans un énoncé. Par exemple, le connu (le thème) par rapport à de nouvelles informations. Cette fonction contrastive est attestée dans plusieurs études en anglais et en français langues maternelles.

La modalité des énoncés (modes interrogatif, déclaratif) est aussi déterminée par l’intonation. Par exemple : « Il est ici. » (inflexion mélodique descendante) et « Il est ici ? » (Inflexion mélodique montante). Certains auteurs notent que les suprasegmentaux donnent des indications précieuses sur les sentiments ressentis par le locuteur. Ou encore sur des caractéristiques sociales comme l’âge ou l’appartenance à une classe donnée. Enfin, les suprasegmentaux serviraient à reconnaître différents types de discours. Comme le langage religieux qui peut se distinguer, entre autres, par certains écarts mélodiques.

Le décodage auditif en langue étrangère

Pour l’enseignement des langues étrangères, la composante phonétique a été quelque peu négligée. Parmi les raisons qui expliqueraient ce rôle plutôt effacé, on indique des éléments de tous ordres qui vont de l’incapacité de l’adulte d’acquérir une maîtrise des habitudes articulatoires et prosodiques d’une langue étrangère. A l’absence de formation des professeurs, ou encore à la philosophie de l’approche communicative, qui se préoccupait très peu de phonétique dans les programmes d’études. Le matériel didactique ou les programmes de formation des maîtres. Or, ce sont les lacunes importantes dans les fondements de l’apprentissage des langues secondes. Qui sont les grandes responsables de cet état de fait.

Il convient de rappeler que si les recherches demeurent encore peu nombreuses, on ne remet plus en question l’apport des faits phonétiques à l’habileté de compréhension. Ainsi, les expériences auprès de débutants montrent le lien étroit existant entre l’introduction d’une pratique phonétique et le développement de la compréhension. Une étude menée auprès d’apprenants débutants confirme également qu’une pratique phonétique améliore la compréhension en favorisant le développement de l’habileté à segmenter. Comment les apprenants débutants abordent des tâches de compréhension ? Leurs difficultés de compréhension sont en grande partie attribuables au manque de pratique phonologique et phonétique. L’analyse prosodique et la pratique d’exercices de phonétique pourraient aider les apprenants dans leur démarche de décodage du sens.

Les difficultés particulières de décodage auditif

Les sons qui entrent en contact les uns avec les autres dans la chaîne sonore subissent des influences dues à ces contacts. Ces influences peuvent se traduire par des contractions, des liaisons, des élisions. Ceci rend plus difficile la délimitation des frontières entre les mots. Par conséquent, le décodage du message. Les apprenants qui ont atteint un très bon niveau de compétence en langue étrangère savent surmonter ces difficultés particulières. Mais les néophytes sont pris au dépourvu devant ces modifications phonologiques et grammaticales. C’est ce que révèlent les expériences menées par Dejean de la Bâtie. Mais, étant donné que celles-ci ont porté sur des phrases isolées. Il faudrait entreprendre d’autres études où l’on utiliserait des contextes plus naturels.

En outre, la perception de l’accent est un facteur important qui favorise une entrée rapide et efficace dans le texte. Une expérience menée avec des locuteurs natifs anglophones et des apprenants en anglais langue étrangère a mis en évidence que les locuteurs natifs repéraient assez facilement la place de l’accent dans les énoncés. Alors que seul un petit nombre d’apprenants en langue étrangère étaient capables de le faire. Cette habileté ne dépendant nullement de leur niveau de compétence en anglais. D’autres expériences seraient toutefois utiles pour confirmer le lien entre la perception de l’accent et le développement de la compréhension.

Pour conclure…

En fait, on n’entend et on ne reconnaît que ce qu’on a l’habitude d’entendre et de reconnaître. Chaque langue possède un système de sons, un rythme et une intonation qui lui sont propres. On néglige souvent de faire le lien entre des difficultés d’écoute ou d’expression en langue étrangère et la méconnaissance de ces traits. Il y a donc lieu de croire que les phénomènes phonétiques contribuent à la compréhension. Ce qu’il reste à faire, c’est de poursuivre les études pour mieux préciser ces liens. Par la même occasion, apporter d’autres données susceptibles d’éclairer les didacticiens quant à la question de l’intégration d’une pratique phonétique. Et, plus précisément, quant aux types d’exercices de décodage auditif qu’il conviendrait de proposer aux apprenants des cours axés sur la compréhension.

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