Cet article se propose d’analyser les différents profils de tutorat et par la suite leurs effets pédagogiques. Commençons tout d’abord par définir ce terme. Le tuteur est la personne qui a pour fonction de faire acquérir au stagiaire les savoirs professionnels convenus, selon la progression déterminée en collaboration avec le pôle-formation. Le stagiaire, lui, doit donc savoir que son tuteur est là pour le guider dans ses apprentissages, répondre à ses questions, l’aider à comprendre ce qui se passe autour de lui, résoudre avec lui les petits problèmes qui pourraient surgir. Ces fonctions peuvent s’exercer de mille manières et requièrent des compétences bien plus larges que celles strictement attachées à la maîtrise du métier.
Rôles du tuteur
Le premier rôle du tuteur sera de préparer l’entreprise à la formation. Préparer l’entreprise, c’est sensibiliser tous les membres de l’équipe, non seulement la direction; l’encadrement, le personnel en général, les délégués syndicaux au comité d’entreprise. Mais aussi et surtout les futurs collègues de travail du stagiaire. Sensibiliser, c’est informer sur l’action de formation; expliquer ce qu’en attendent l’entreprise et l’organisme de formation, ce à quoi chacun s’est engagé. Selon les différents profils de tutorat, plusieurs moyens sont à mobiliser dans ce cadre : réunions, affichage, notes de services,…
Le deuxième rôle du tuteur sera l’accueil du stagiaire sur le lieu du travail. La qualité de cet accueil peut être déterminante pour la suite du stage car, dès ce premier abord, le stagiaire percevra l’attention qui lui est accordée et la place qu’il pourra occuper. D’autres moments peuvent être prévus, en cours de stage, pour donner un complément d’information sur l’entreprise et le travail qui s’y effectue.
Le tuteur veillera aussi à organiser le parcours de formation. Plusieurs éléments sont à prendre en compte :
- articuler les modes de fonctionnement habituel des partenaires : production pour l’entreprise, formation pour l’organisme opérateur et apprentissage pour le stagiaire ;
- pour ce faire, planifier les périodes de formation en entreprise, en tenant compte de la hiérarchisation des objectifs, des contraintes, des moyens engagés et des ressources de fonctionnement ;
- enfin, créer les conditions d’évaluation : périodes, modalités,…
Qualités principales du tuteur
L’évocation des principaux rôles montre l’importance de sélectionner soigneusement les tuteurs. Alors, il est important de pouvoir identifier les types de tutorat pratiqués, de manière à prévoir des remédiations adéquates aux lacunes de certains tuteurs, voire à écarter ceux d’entre eux dont l’action serait néfaste.
Trois critères d’égale importance devraient influencer le choix d’un tuteur. Le premier critère est sa maîtrise professionnelle. Certes, pour pouvoir transmettre son savoir-faire professionnel, il faut non seulement que le travailleur soit à l’aise dans la réalisation de toutes les tâches que l’emploi requiert. Mais encore qu’il puisse prendre du recul par rapport à son travail pour en caractériser les gestes, les connaissances et les raisonnements essentiels.
Cependant, un travailleur expérimenté n’est pas nécessairement désireux d’encadrer un apprenti pour lui apprendre le métier. Il faut donc que le candidat-tuteur soit volontaire. Plus encore que d’obtenir son accord de principe, il convient de vérifier qu’il aborde cette mission avec une motivation, c’est-à-dire qu’il souhaite assumer cet encadrement parce qu’il le valorise, pour une raison ou pour une autre, et qu’il en retire une fierté.
Enfin, un tuteur efficace est quelqu’un qui dispose de capacités relationnelles et pédagogiques. Une chose est d’être un professionnel compétent. Une autre, d’être désireux de guider l’apprentissage d’un novice. Une troisième, de pouvoir inspirer la confiance de l’apprenti, de le comprendre et de se faire comprendre de lui. Par conséquent, le tuteur doit encore pouvoir se représenter la manière dont on apprend en situation réelle et concevoir la progression dans l’apprentissage.
Différents profils de tutorat
Nous pouvons distinguer différents profils de tutorat construits sur la manière dont le tuteur organise ses rapports avec le stagiaire. Ces profils s’appuient également sur la conception qu’il se fait de sa mission et de l’initiative dont doit faire preuve l’apprenant.
- Le tuteur agent de renseignements se tient à disposition du stagiaire au cas où celui-ci aurait besoin d’informations. Il confie au stagiaire une tâche relativement complexe. Celui-ci doit trouver seul les méthodes et moyens à mettre en œuvre, tout en sachant qu’il peut recourir au tuteur en cas de besoin.
- Le tuteur confident considère comme essentielle la qualité relationnelle entre lui et son stagiaire, de manière à favoriser les échanges.
- Le tuteur interventionniste ne prend aucun risque et surveille constamment le stagiaire, par crainte des erreurs. Il affecte le stagiaire à un poste simple et contrôle tout ce qu’il fait.
- Le tuteur collègue cherche à instaurer des rapports de professionnel à professionnel. Il est prêt à intervenir pour prévenir des erreurs ou faire à la place du stagiaire. Le tuteur catalyseur établit une relation d’aide destinée à sensibiliser le stagiaire à tous les aspects que comporte son expérience de travail. Il veille à ce que le contact sensible avec le travail débouche sur la compréhension par le stagiaire de tout ce qu’il a pu faire.
- Le tuteur initiateur se sent investi d’une mission, il transmet son expérience. Il est animé du désir de partager ce qu’il sait.
- Le tuteur superstar se pose en modèle. Sa compétence est le support principal de sa relation et la source unique de la formation du stagiaire. Il ne demande rien d’autre au stagiaire que de l’observer et de l’imiter.
Effets pédagogiques des différents profils de tutorat
Tentons de préciser le bénéfice pédagogique qu’engendre chacun de ces profils.
- Le tuteur agent de renseignements. Les bénéfices de ce type d’encadrement sont largement tributaires de l’audace du stagiaire, d’une part; et de la disponibilité effective du tuteur, d’ autre part. Ce profil permet l’acquisition de procédures complexes.
- Le tuteur confident. Ce type d’encadrement stimule l’imagination et l’initiative du stagiaire. Le climat de sympathie permet, grâce à la discussion, l’exploitation la plus large possible de l’expérience. Ce profil convient pour trouver des solutions spécifiques à des imprévus dans le déroulement du travail.
- Chez le tuteur interventionniste. Cette manière supprime tout droit à l’erreur. Et donc tout droit au tâtonnement, privant ainsi le stage d’une bonne partie de son potentiel éducatif. Il permet l’acquisition d’habiletés élémentaires.
- Le tuteur collègue. Parmi les différents profils de tutorat, ce type d’encadrement souffre des mêmes limites que le précédent mais ses présupposés ne sont pas nécessairement identiques. Le stagiaire a la possibilité d’observer son tuteur. Et, éventuellement, de s’essayer lui-même à certaines tâches quand il croit avoir compris.
- Le tuteur catalyseur. En attirant son attention sur ce qui l’entoure et en l’incitant à replacer sa propre activité dans un contexte plus large; le tuteur invite donc le stagiaire à retirer un maximum d’enseignement de son expérience dans l’entreprise. Ce type d’encadrement favorise les découvertes nouvelles.
- Chez le tuteur initiateur. Cette manière de faire du tuteur sollicite l’adhésion du stagiaire à son discours, plutôt que son esprit critique. Elle lui propose de faire entière confiance à celui qui sait et lui évite de se poser des questions.
- Enfin, le tuteur superstar jouant un rôle de modèle appelle le stagiaire à l’observer et à l’imiter. Ce profil convient pour l’acquisition de procédures, plus ou moins complexes, et de leur enchaînement.