Pédagogie

Groupes de besoin ou groupes de niveau

La question « groupes de besoin ou groupes de niveau ? » mérite d’être posée et de trouver des réponses tant il est évident qu’elle agite perpétuellement les pédagogues. Et qu’elle est couverte la plupart du temps dans les écrits pédagogiques même les textes officiels ou par des interdits ou par des prescriptions de tout ordre. D’abord, si question il y a, c’est que l’organisation en groupes de niveau a été mise en cause par ses propres promoteurs au fur et à mesure de l’avancement de l’expérimentation. On s’est rendu compte que les groupes de niveau-matière. Bien que leur avantage fût de régler le problème des rythmes de travail des élèves les plus lents comme des plus rapides, distendaient de plus en plus les écarts entre eux.

Le fossé continuait donc à se creuser en français, mathématiques et langue vivante. Malgré le fait que les groupements différenciés eussent présenté également l’avantage de faire progresser les uns et les autres selon leur force. Etant cependant entendu que les plus avancés, n’étant plus brides par le niveau standard d’une classe hétérogène. Qui étaient libérés de toute entrave et faisaient des pas de géant. Pendant que leurs camarades les moins performants avançaient comme des poucets. Mais ils avançaient eux aussi et bien mieux que s’ils avaient continué à être astreints à se conformer à un enseignement au-dessus de leurs capacités!

Invention des groupes de besoin

La (re)découverte de ce phénomène de distanciation entre les meilleurs et les moins bons est considéré comme un sujet tabou. Et dans une société qui veut réaliser l’égalité des chances quasi exclusivement par l’école. Elle fit donc rapidement mettre l’expérimentation en question. Les groupes de niveau-matière présentant le risque de remettre en vigueur les filières. Paradoxalement sous le prétexte de pédagogie de soutien. L’idée de différenciation au sein des divisions hétérogènes reprend donc du service d’une autre manière par l’invention des groupes de besoin. Ceci selon l’argumentation. « Les groupes de niveau devenaient groupes à pédagogie différenciée. Il est paru dès lors souhaitable de rompre également le groupement-matière pour s’acheminer à des groupements fonctionnels, homogènes ou hétérogènes, selon les besoins propres à une activité». Il s’agit alors d’un soutien ponctuel, ou un soutien semi-continu.

Philippe Meirieu a proposé de nommer les groupes hétérogènes « groupes de besoin ». Dans les groupes de besoin qu’il préconise, les élèves s’affectent à partir des besoins identifiés par les professeurs. Ces besoins n’indiquent pas des niveaux. Mais des situations temporaires, donc conséquemment des regroupements plus limités dans le temps que les groupes de niveau-matière. Regroupements dans lesquels on adoptera les critères de répartition des élèves selon les acquisitions antérieures mal assimilées. Et où l’on construira des itinéraires d’apprentissage faisant plus appel à l’oral. Permettant de développer davantage des compétences méthodologiques mal maîtrisées. Et d’ouvrir même de nouvelles perspectives aux élèves ayant déjà de bonnes acquisitions sous forme d’approfondissements.

Les groupes de besoin écartent soigneusement la question des écarts

Dans toute la littérature pédagogique consacrée aux groupes de besoin, je n’ai pas trouvé d’exemples suffisamment nombreux qui me paraissent démontrer la pertinence de cette démarche. Aussi sa supériorité par rapport aux groupes de niveau. Le seul avantage, mais est-il d’ordre pédagogique est que dans cette organisation, on fasse un sort définitif à la problématique de la filiarisation. Il aurait été plus significatif d’administrer la preuve de la pertinence des groupes de besoin dans plusieurs domaines littéraire, mathématique ou linguistique. On ne veut apporter la preuve que les groupes de besoin sont l’arme absolue de la différenciation qui tue dans l’œuf l’échec scolaire, et qui règle la question de l’égalité des chances devant l’enseignement.

Les groupes de besoin écartent soigneusement la question des écarts tout en prétendant se fonder sur le diagnostic des déficits. On peut dès lors se demander si cette organisation sert la pédagogie. Alors que l’objectif affiché des groupes de besoin est de contrecarrer le risque de groupes-ghettos constitués par les regroupements par niveau.

La plupart des auteurs s’exprimant aujourd’hui sur la pédagogie différenciée. Ils disent que celle-ci n’a plus grand-chose à voir avec les groupes de niveau-matière dont elle serait quasiment l’antidote. Qu’elle n’est authentique que dans le cadre de la classe ou des groupements hétérogènes de besoin. Sa finalité s’est déplacée. Une technique au service de l’amélioration du système scolaire dans son ensemble pour la réussite de tous les élèves. Aux temps actuels où elle n’est plus présentée qu’en termes d’outil de lutte contre l’échec scolaire et pour l’égalité des chances.

Groupes de besoin ecole

Problématique hétérogénéité/homogénéité des groupements

Nous voilà en plein dans la problématique hétérogénéité/homogénéité des groupes. Ce ne sont plus des considérations pédagogiques qui fondent la différenciation pédagogique. Mais des a priori idéologiques, écartant les problèmes réels qui se posent au pédagogue. Et procurant des justifications plus fondées sur la croyance et les convictions que la rationnalité didactique. Alors que la quasi-totalité des pédagogues de terrain et des parents d’élèves considèrent l’hétérogénéité dans les classes comme un obstacle au progrès. Voyez les réactions d’un professeur des écoles nommé par le hasard du mouvement dans une classe à cours multiples. Et celles des parents devant confier leur enfant à une classe de ce type.

Certains en viennent à considérer l’hétérogénéité comme une aubaine, une chance, un bienfait. Écoutons la leçon que nous donne Louis Legrand à propos de la construction des concepts dans l’enseignement scientifique : «L’hétérogénéité n’est plus un obstacle ici. Bien mieux elle est indispensable dans la mesure où elle seule permet d’offrir le milieu de discussion au progrès individuel ».

Pourquoi ce progrès individuel serait-il impossible dans un groupement homogène ? Et pourquoi dans un regroupement homogène la discussion serait-elle stérile ? Je souhaiterais que l’on m’administre la preuve d’une telle affirmation. Aussi qui passe à mes yeux pour une contre-vérité ne reposant sur aucun fondement étayé à la fois par la raison et l’expérience. En plus, ell ne colle pas tout à fait avec la pensée de l’auteur qui écrit dans le même ouvrage. «En ce qui concerne les performances, aucune conclusion certaine ne peut être affirmée. Certaines études montrent l’effet bénéfique des groupements homogènes, d’autres celles des groupements hétérogènes». Enfin, puisqu’on ne peut qu’être sceptique, doutons dans le sens qui est le plus favorable à notre idéologie. Et chaque lecteur a droit à avoir la sienne.

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