Enfance

L’acquisition de la langue a une période critique

Lorsqu’on est enfant, on apprend normalement sa langue maternelle. On peut se demander si, à partir d’un certain âge, l’acquisition de la langue maternelle est encore possible. Ceci suppose de pouvoir répondre à une question préalable : celle de la durée. Mais il n’existe pas de réponse simple à cette dernière question. Car tout dépend de ce qu’on entend par langue et par maîtrise complète de la langue. Si l’on considère les vagissements pré linguistiques du nourrisson comme faisant déjà partie du développement linguistique; l’acquisition de la langue commence à la naissance. Toutefois, si l’on considère la maîtrise du subjonctif passé ou du passé simple comme un aspect important de l’acquisition du français; l’acquisition de la langue maternelle reste sans doute inachevée jusqu’à la mort !

la langue maternelle

L’acquisition de la langue n’est ni facile ni rapide

En général, on peut partir du fait qu’après la puberté les choses évoluent relativement peu. Un enfant à l’âge de l’école primaire maîtrise déjà relativement bien sa langue maternelle. Mais de nombreuses structures sont acquises plus tardivement. Et les activités langagières dans lesquelles il est engagé sont encore assez limitées. C’est pourquoi on peut dire que l’acquisition de la langue maternelle n’est pas particulièrement facile ni rapide. Si l’on considère qu’un enfant entend sa langue, la parle et donc apprend, pendant à peu près cinq heures par jour; il dispose d’environ 9100 heures pour acquérir sa langue, au long de ses cinq premières années. Mais après tout ce temps, il y a encore de nombreuses constructions qu’il ne possède toujours pas.

De nombreuses écoles de langues proposent des programmes d’immersion totale ; dans lesquels les apprenants, durant quatre ou six semaines, bombardés par de la langue étrangère douze heures par jour. Ce genre de programme conduit d’ordinaire à une très bonne maîtrise de la langue; même si la richesse du lexique et la variété des constructions syntaxiques restent limitées. L’apprenant y parvient donc en 500 heures environ, s’il s’agit d’un programme de six semaines; ce qui montre que la conception d’une acquisition rapide et sans effort de la langue maternelle opposée à l’acquisition lente et pénible d’une langue étrangère tient de la légende. Si l’on place la fin de l’acquisition de la langue maternelle à la fin de la puberté; la comparaison est encore beaucoup plus défavorable.

La période critique et la plasticité cérébrale

La représentation de l’acquisition initiale de la langue comme rapide et sans effort a conduit le neuropsychologue Penfield à considérer que cette caractéristique était liée au développement physiologique du cerveau pendant l’enfance. Cette idée reprise par Lenneberg, l’a élaborée en une théorie très discutée de la « période critique ». Ce n’est que pendant une période déterminée, qui s’étend environ de la seconde année jusqu’à la puberté; que le cerveau jouit d’un degré de plasticité qui permet une forme particulière de l’acquisition linguistique; l’acquisition enfantine de la langue maternelle.

Après cette période, on assiste à la rigidification des différentes fonctions cérébrales, en particulier la localisation de la plupart des fonctions linguistiques dans l’hémisphère gauche. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit devenu impossible d’apprendre encore une langue après cette période. Mais que cet apprentissage s’opère du point de vue physiologique d’une façon différente, moins facile. Et cette distinction physiologique conduit à considérer l’acquisition de la langue maternelle et l’acquisition d’une langue étrangère comme des processus différents.

Il est certain qu’une telle théorie a des implications importantes pour l’acquisition des langues étrangères, mais surtout pour l’enseignement des langues étrangères. Car, si elle est valable, il faudrait employer des méthodes tout à fait différentes après la puberté. Mais on peut douter de la pertinence de cette théorie. D’abord, les preuves purement biologiques sont tout sauf sûres. Ensuite, l’idée que l’acquisition d’une langue étrangère est plus difficile et moins efficace après la puberté se confirme par maints faits d’observation et par les données de plusieurs recherches. Mais rien ne dit que ce soit sans exception possible. Et encore moins que les facteurs soient purement ou essentiellement biologiques.

acquisition de la langue

Pour conclure…

Certes, il peut se faire que la disposition à abandonner une identité sociale acquise antérieurement soit plus faible chez l’adulte. Même dans le domaine de la phonologie y compris l’intonation pour laquelle les apprenants adultes semblent souvent ressentir des difficultés particulières. Les recherches ont montré que des adultes suffisamment motivés peuvent apprendre la prononciation de langues qui leur sont totalement exotiques si parfaitement que l’on ne peut plus les distinguer à leur accent des locuteurs natifs. Cela prouve qu’une acquisition parfaite d’une langue étrangère reste tout à fait possible après la puberté. Mais nous n’en sommes pas plus avancés en ce qui concerne le degré de difficulté de la chose; ni sur la nature, identique ou différente, de l’apprentissage.

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