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La déontologie professionnelle du métier de l’enseignant

La déontologie professionnelle suppose l’existence de valeurs de références qui fondent particulièrement les décisions du professionnel. Dans l’activité quotidienne de l’enseignant, ces décisions ne relèvent pas toujours de protocoles sûrement établis. Ou encore de choix rationnels dans lesquels le vrai et le faux, le juste et l’injuste sont clairement délimitées.

Lorsqu’un élève manifeste en classe un comportement néfaste pour le déroulement des apprentissages, voire même dangereux pour lui ou ses camarades, le choix pour l’enseignant d’éliminer ce comportement est un choix facile, logique. Lorsqu’un élève rencontre une difficulté de nature didactique, on peut considérer comme naturelle pour l’enseignant une attitude ou une posture d’aide pour aider cet élève à comprendre la consigne et identifier les tâches à réaliser. Cependant, il existe d’autres phénomènes ou situations pour lesquelles la décision est moins évidente. Lorsque, par exemple, un élève manifeste sur la durée ce qu’on nomme parfois par dérision une résistance aux apprentissages. Quand ses difficultés semblent insurmontables. La tentation existe de considérer qu’il n’y a rien à faire, de renoncer au postulat d’éducabilité.

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La relation maître/élèves en rapport avec la déontologie professionnelle

La relation entre le maître et ses élèves est un aspect essentiel de la situation éducative. Elle peut constituer un levier ou au contraire un obstacle à l’apprentissage. Cette relation revêt des aspects différents selon l’âge des élèves. C’est un phénomène complexe qui ne dépend que très partiellement de la personnalité du maître.

D’après Maslow, un individu est épanoui si les besoins suivants sont satisfaits : besoins physiologiques, besoin de sécurité, besoin d’affection, besoin d’estime, besoin de réalisation. Il concevait ces besoins comme hiérarchisés. Un besoin d’ordre supérieur ne pouvant se manifester que si les besoins inférieurs étaient satisfaits. Même si cette hiérarchie ne doit pas être considérée comme immuable, la liste dressée fournit une référence quant aux besoins qui doivent être satisfaits, quel que soit l’âge de l’individu. Bien sûr, la satisfaction de ces besoins prend des formes différentes en fonction de l’âge. À l’école, il y a une évolution importante du cycle l au cycle 3.

En petite section d’école maternelle, l’enfant expérimente souvent la première séparation de son milieu familial. Il se trouve soudain dans un environnement non familier, au milieu d’adultes et d’autres enfants inconnus. On imagine le sentiment d’insécurité qui peut l’envahir. Même en présence de leur mère, les petits enfants lorsqu’ils sont dans un lieu inconnu s’éloignent difficilement d’elle pour explorer et jouer. Les psychologues caractérisent le rôle de la mère dans un environnement inconnu comme étant une base de sécurité. À l’école, l’enseignant doit être disponible par rapport à cette demande de contact physique des enfants car la restauration du sentiment de sécurité est un préalable à toute activité cognitive.

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Pendant la moyenne section

Dès la moyenne section, les comportements de recherche de contact physique sont beaucoup moins fréquents. La capacité à partager le maître ou la maîtresse se développe en même temps que grandit l’intérêt pour les camarades. Mais l’enfant a encore besoin d’avoir une existence personnelle aux yeux de l’enseignant. Il cherche à obtenir de lui des signes de reconnaissance positive (sourires, compliments), pour satisfaire ses besoins d’affection et d’estime. Si, pour une raison ou une autre il n’en obtient pas (enseignant peu chaleureux, enfant perçu négativement ou passant inaperçu), il cherchera à attirer l’attention sur lui par des stratégies de séduction ou par la transgression des règles établies. En effet, l’indifférence est ce qu’il y a de pire. L’enfant préfère souvent être grondé qu’ignoré. Le comportement déviant peut être un appel à la reconnaissance. Ce que l’on traduit communément par les expressions : « il fait l’intéressant», « il cherche à se faire remarquer ».

La relation pédagogique à l’école élémentaire

À l’école élémentaire, la plus grande rigidité de l’institution scolaire émousse la spontanéité des relations affectives. La situation scolaire est par essence anxiogène car c’est une situation d’apprentissage permanent et l’enfant doit développer un sentiment de confiance en ses possibilités de mener à bien les tâches proposées. Au début, il va se fier plus à ce qu’il entend dire de lui par les adultes qu’aux notes et l’image qu’il aura de lui. Si cette image est positive, il s’attendra à réussir et s’investira avec plaisir dans le travail Cette attitude donne les meilleures chances de réussite. Au contraire, s’il perçoit que l’adulte n’attend rien de bon de lui, il pensera qu’il est incapable et n’essaiera même pas. Les mauvais résultats viendront confirmer la mauvaise opinion de départ. Ce mécanisme joue à tous les niveaux de la scolarité. Mais, son importance est particulièrement grande au moment où l’enfant se forge une identité de bon ou de mauvais élève.

Au cycle 3, l’affectivité de l’enfant s’engage plus intensément dans ses relations avec ses camarades tandis que l’adulte passe un peu au second plan. En effet le besoin fondamental à cette période est le besoin de reconnaissance par le groupe de pairs. C’est au sein de ce groupe que l’enfant se socialise le plus efficacement. Pour l’enfant, il est désormais moins important d’aimer le maître et d’être aimé par lui que d’avoir un maître digne d’être imité pour ses qualités intellectuelles et morales. Ainsi, à mesure que les enfants grandissent le rôle de l’affectivité dans la classe se réduit. Il est bon qu’il en soit ainsi car des relations affectives intenses ne favoriseraient pas le développement intellectuel et influencent la déontologie professionnelle du maître. Néanmoins, celui-ci, et plus tard les enseignants du secondaire restent des figures d’identification très importantes pour l’enfant.

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Les sentiments inconscients de l’élève

À bien des égards, mis à part le caractère temporaire et collectif de la situation, la relation maître-élève ressemble à la relation parent-enfant. L’enfant se trouve face à un adulte pourvu d’autorité qu’il admire et craint à la fois. On peut donc s’attendre à ce que l’enfant cherche à reproduire avec le maître les modes de relation qu’il connaît dans sa famille et à ce que les mêmes types de phénomènes psychologiques se retrouvent dans les deux situations. C’est ce que les psychanalystes appellent « transfert ». Effectivement, lorsque les psychanalystes étudient ce que les enfants disent de leur expérience scolaire, ils retrouvent la même ambivalence envers les enseignants qu’envers les parents. Elle est exprimée au travers des mêmes thèmes de soutien et de séduction d’une part, de crainte de l’emprise de l’adulte et d’aspiration à l’indépendance d’autre part ainsi que les mêmes mécanismes d’identification.

L’identification est le « processus psychologique par lequel un sujet assimile en pensée un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme totalement ou partiellement sur le modèle de celui-ci ». La personnalité se constitue par une série d’identifications successives. L’enfant cherchant parmi ceux qui l’entourent l’image possible de ce qu’il est en train de devenir. Les parents sont les premiers objets d’identification. Mais les enseignants deviennent aussi des figures de référence dont l’enfant cherche à imiter les qualités. Tout au long de sa croissance, les différents modèles successifs que l’enfant choisit servent de moteur à sa progression et l’aident à choisir plus ou moins consciemment ce qu’il veut être. L’enseignant, qu’il le veuille ou non est donc un modèle pour les élèves.

Les sentiments inconscients de l’enseignant pouvant influencer sa déontologie professionnelle

Il ne faut pas croire cependant que seul l’enfant ait une perception peu objective de la relation pédagogique. Celle de l’enseignant est aussi biaisée. La relation qu’il entretient avec ses élèves le renvoie à sa propre enfance et à la façon dont il a résolu ses conflits avec l’autorité. Ce passé peut aussi constituer un filtre déformant son interprétation de la situation présente et influençant parfois sa déontologie professionnelle. Dans les propos que tiennent les enseignants lorsqu’ils réfléchissent sur leur relation aux élèves, on trouve des thèmes chargés affectivement, liés à la séduction et au pouvoir. Ils désirent créer, modeler l’élève, le nourrir, le protéger, être en harmonie avec lui. Mais il y a des obstacles à cette relation idyllique.

L’institution, le savoir à transmettre qui est souvent considéré comme un objet dont on gave l’enfant, un intrus qui empêche l’amour entre l’enfant et l’enseignant, les parents qu’on aimerait tant écarter pour refaire l’enfant depuis le début, les enfants eux-mêmes qui grandissent et changent, les enfants non conformes, la classe ressentie comme groupe menaçant. Lorsque la séduction échoue, c’est le thème de l’assujettissement et de la violence qui apparaît. Il faut manipuler l’enfant pour son bien.

Les psychanalystes sont très soupçonneux quant aux motivations qui sous-tendent les discours sur l’amour des élèves. Selon eux, ce sont essentiellement des motivations narcissiques. L’enseignant qui souhaite aider les élèves à s’épanouir et à construire leurs connaissances veut en fait surtout se montrer à lui-même qu’il est un bon enseignant. L’attention des élèves, leurs progrès et leur affection sont ce qui lui permet d’avoir une bonne image. C’est pourquoi l’élève en échec, celui qui refuse le savoir ou l’élève indiscipliné sont si mal tolérés. Ils portent atteinte à cette image de bon maître.

En résumé…

De fait, on peut se demander en quel sens il est possible d’aimer ses élèves. L’obligation de la déontologie professionnelle étant de les aimer tous, cela équivaut à n’en aimer aucun en particulier ou du moins à ne pas montrer ses préférences. Les termes de bienveillance et de sympathie sont probablement plus adaptés que celui d’amour pour parler de la relation pédagogique car l’enseignant ne doit jamais oublier qu’il est là pour tous les élèves.

La recommandation suivante paraît très pertinente : « le bon maître est assez indifférent et il veut l’être, il s’exerce à l’être ». « Assez indifférent », mais pas trop car il doit utiliser les liens affectifs pour que l’élève désire apprendre, au moins au début. « Il veut l’être, il s’exerce à l’être », cela montre bien que ce n’est pas naturel, mais qu’il faut prendre de la distance vis-à-vis des sentiments, tant négatifs que positifs, car la classe n’est pas un lieu où les affects doivent être au premier plan.

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