Pédagogie

Description des méthodes de remédiation cognitive

Le recensement des méthodes de remédiation cognitive n’est pas chose facile car, selon les critères choisis, leur nombre peut varier de manière importante. Ces méthodes se donnent pour but de réduire l’écart qui existe entre le niveau cognitif des apprenants tel qu’ils le mettent en pratique face à une situation nouvelle, et celui requis pour comprendre cette dernière. Cet écart peut résulter d’un fonctionnement déficient des modes de raisonnement mais également du fait que les apprenants n’ont pas encore atteint la maîtrise des opérations intellectuelles nécessitées par la tâche à résoudre.

Elles proposent, plutôt que de se centrer sur les lacunes disciplinaires des apprenants, de les faire progresser dans leurs modes de raisonnement. Elles ne traitent donc pas des difficultés cognitives par discipline, c’est-à-dire des problèmes de raisonnement en mathématiques, en français, en histoire-géographie, etc. Mais abordent les opérations intellectuelles à employer, quelle que soit cette discipline.

remédiation cognitive disciplinaire

Les fondements de la remédiation cognitive

Ces méthodes partent du principe que les capacités intellectuelles de l’homme ne sont pas figées, mais qu’elles sont au contraire modifiables. Cette affirmation, qui est un postulat de base, va à l’encontre des représentations de nombreuses personnes et même d’un certain nombre d’enseignants. Le caractère inné de l’intelligence, même s’il ne s’affirme plus, reste latent, ce qui se traduit, en formation initiale, par des difficultés à penser que des progrès notoires peuvent avoir lieu dans les modes de raisonnement des élèves.

Elles s’appuient également sur la description du développement intellectuel de l’enfant tel que l’a présenté Piaget. Ainsi, le processus assimilation-accommodation est central car il permet d’élucider la manière dont se développent les opérations intellectuelles chez l’enfant. Il servira de guide dans le choix des principes pédagogiques. Le contenu des stades, même si cette notion est à prendre avec précaution, est déterminant dans l’élaboration des différents modules et leur agencement. Il permet de déterminer les opérations intellectuelles qui feront l’objet d’apprentissage.

L’égocentrisme, caractéristique de la pensée de l’enfant au stade préopératoire, se traduit par une indifférenciation entre son propre point de vue et celui des autres. Il s’agira, tout au long de l’enseignement, d’être sensible à cet aspect afin d’aider les apprenants à se décentrer pour accéder à la réversibilité et pour être plus à même de coopérer avec autrui. Mais si, d’après Piaget, le développement de l’enfant progresse par le conflit sujet-milieu. Des travaux plus récents ont montré l’intérêt du conflit sujet-autrui-milieu et du rôle de l’interaction sociale dans l’enrichissement des structures mentales. La mise en avant du conflit sociocognitif sera à l’origine des modalités de travail en groupe.

Les publics concernés

Les méthodes de remédiation cognitive visent des publics très divers. Depuis le jeune enfant jusqu’à l’adulte en fin de carrière professionnelle. En formation initiale, elles se sont largement répandues dans les collèges et les lycées professionnels et, dans une moindre mesure, dans les lycées d’enseignement général. Les applications existent aussi dans l’enseignement primaire, en CM1 ou en CM2 par exemple. Donc, à la condition de respecter les principes pédagogiques qui leur sont attachés, ces méthodes pourraient être utilisées avec des enfants. Il faut cependant être conscient des difficultés et des contraintes liées à ce type de public.

Il est évident que le niveau visé dans chaque opération doit se rapporter au niveau intellectuel correspondant à l’âge des enfants. Conformément à leur objectif de remédiation, elles prennent en charge ceux qui n’ont pas atteint le niveau cognitif qu’on serait en droit d’attendre du fait de leur âge. Il n’est en aucune manière question de les faire progresser plus rapidement que la normale. Donc, il sera constamment nécessaire de comparer les opérations intellectuelles que mettent en œuvre ces enfants avec celles attendues compte tenu de leur âge. Il ne faut pas oublier non plus que l’hétérogénéité cognitive est la norme et que cette comparaison doit avoir lieu par rapport à un profil cognitif et non en fonction d’un niveau cognitif global.

opérations intellectuelles de la remédiation cognitive

Démarche générale de la remédiation cognitive

Ces méthodes exigent le respect d’une démarche précise, sans laquelle les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints. Elle peut différer d’une méthode à l’autre mais propose les éléments suivants : diagnostic du niveau cognitif des apprenants, principes pédagogiques à suivre de manière impérative, rôle précis de l’enseignant, exercices sous forme de fiches. La plupart de ces méthodes requièrent de travailler sur des groupes restreints (de 6 à 10 personnes) et sur des temps assez longs (allant de 50 à plus de 200 heures).

Compte tenu de l’hétérogénéité cognitive des élèves, un diagnostic de leur niveau opératoire s’impose. En effet, même pour un enseignant connaissant bien ses élèves, il est très difficile de repérer le niveau atteint par chacun d’eux dans chaque opération intellectuelle. La connaissance de leurs performances scolaires ne suffit pas à déterminer ce niveau. Il faut en effet bien différencier performance et compétence. La réussite à un exercice ne permet pas d’en déduire automatiquement que l’apprenant emploie les modes de raisonnement pertinents.

Le profil cognitif

La connaissance du profil cognitif permettra de constituer des groupes de remédiation relativement homogènes car une des conditions de mise en œuvre du conflit sociocognitif est que l’hétérogénéité cognitive du groupe ne soit pas trop importante. Ainsi, pour un enfant dominant parfaitement la conservation des liquides, résoudre une situation de ce type est évident et facile. Un enfant en cours d’acquisition de cette notion hésitera, tâtonnera, aura besoin de beaucoup de temps. La cohabitation de ces deux types d’élèves dans un même groupe de remédiation cognitive est difficile à gérer (même si, bien entendu, pour des groupes poursuivant d’autres objectifs, la réunion de ces types d’élèves peut se révéler pertinente).

Le profil cognitif permet également à l’enseignant d’obtenir une meilleure connaissance de ses élèves et de pouvoir réutiliser cette connaissance dans la pratique quotidienne de sa classe. Il peut ainsi découvrir les lacunes de tel élève dans une opération donnée ou les points forts de tel autre. Il est vrai qu’en règle générale, nous avons coïncidence entre compétence intellectuelle et performances scolaires des élèves. Un bon élève a un niveau opératoire correspondant au moins aux enfants de son âge. Inversement, un élève en difficulté montre des faiblesses dans telle ou telle opération.

Mais il ne faut pas faire l’amalgame systématique entre résultats scolaires et compétence intellectuelle. Des élèves peuvent avoir de graves lacunes sur le plan des connaissances et pouvoir appliquer des raisonnements correspondant à la situation à résoudre. Seul un diagnostic peut permettre l’approche du niveau réel de l’élève.

Le diagnostic du niveau cognitif des élèves

Le diagnostic se révèle nécessaire dans la mise en œuvre du processus assimilation-accommodation. En effet, si le problème proposé est trop éloigné des possibilités cognitives de l’élève, celui-ci ne peut faire qu’une assimilation. L’accommodation devient impossible. Il faut adapter le niveau cognitif du problème à celui de l’élève et, pour ce faire, bien connaître son niveau cognitif.

Il existe diverses épreuves permettant de déterminer le niveau cognitif des apprenants. Notre propos n’est pas de les décrire ni d’en donner les conditions de passation. Nous voulons simplement souligner leur intérêt et les limites de leur application. Il nous paraît important que l’enseignant insiste sur la passation et la correction de ces épreuves car, d’une part, il pourra par son investissement montrer aux élèves l’importance qu’il attache à un tel diagnostic. En fait, le niveau opératoire réel ne peut se déterminer qu’avec la participation active et volontaire des apprenants. D’autre part, il pourra analyser en détail les résultats obtenus.

L’analyse des réponses aux exercices, permet de rendre compte des processus utilisés par l’élève. L’enseignant peut alors percevoir le niveau cognitif réel de l’élève, s’il est très loin de la solution ou si, au contraire, il est en cours d’acquisition du mode de raisonnement attendu. Cette analyse des protocoles va dans le même sens que l’analyse de la tâche. Seule une connaissance fine des processus de résolution permettra aux enseignants de proposer des remédiations pertinentes et efficaces. Encore une fois, même si le diagnostic apparaît comme une épreuve coûteuse en temps et en énergie. Elle est indispensable, d’une part, pour lancer le processus assimilation-accommodation dans les meilleures conditions, et, d’autre part pour tenir compte des travaux récents montrant l’hétérogénéité cognitive même chez de jeunes élèves.

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