Education

Apprendre à lire dans le cadre d’un projet éducatif

Évaluer la lecture afin de mettre en place une pédagogie adaptée et différenciée se révèle une expérience riche et passionnante, pour le chercheur comme pour le pédagogue. Les erreurs des élèves, leurs remarques, les stratégies qu’ils mobilisent, ne renseignent pas seulement sur la manière dont se construit l’apprentissage. Elles apportent également des informations précieuses sur l’acte apprendre à lire et le fonctionnement même de la lecture.

projet lecture

Dépasser les exigences des théoriciens

La tâche est certes lourde, difficile, parfois ingrate, non exempte d’inquiétudes, de brefs découragements et de remises en question surtout lorsqu’on l’entreprend en solitaire. Mais l’excitation intellectuelle qu’elle suscite, les processus obscurs qu’elle éclaire permettent à l’enseignant de conquérir son indépendance, de s’affranchir par exemple des choix des éditeurs ou de dépasser les exigences parfois contradictoires des théoriciens. Il peut enfin assumer l’apprentissage et en prendre à bras-le-corps les difficultés, avec ses propres moyens et sa personnalité. Il peut enfin élaborer objectivement un projet éducatif, dont il garantit la cohérence, au lieu de subir, avec tous les dangers inhérents au statut d’exécutant. C’est dire en d’autres mots qu’il peut enfin redevenir le spécialiste ; le professionnel de l’apprentissage dont a tant besoin l’école, aujourd’hui plus que jamais.

L’évolution des pratiques est en ce sens révélatrice. On ne peut nier que l’apprentissage de la lecture ait progressé, ni que les élèves en aient bénéficié. Dès le début du CE2, les enfants dans leur quasi-totalité se représentent la lecture comme une recherche active de sens. Même leurs erreurs nous le montrent. Mais, de la monotone séance de lecture oralisée au sempiternel recommencement des apprentissages premiers dans les groupes de niveaux ou encore à la fuite en avant des jeux de lecture faits mécaniquement, la conduite de l’apprentissage échappe à l’enseignant et à ses élèves. Les acquis restent éphémères, limités. Le réinvestissement en est incertain, décevant. La même insatisfaction qu’autrefois transparaît dans le discours des professeurs de collège. Quelques réserves qu’on puisse faire face à ces jugements, souvent subjectifs et peu fondés, ils n’en traduisent pas moins un malaise d’apprendre à lire qu’il est difficile d’ignorer.

Traduire l’enseignement en termes de compétences à développer

La traduction de l’enseignement en termes d’objectifs à atteindre et de compétences à développer peut être une réponse. C’est sans doute là la leçon à tirer de la pédagogie individualisée. Une évaluation formative permet de photographier l’état de la classe à intervalles réguliers. Elle n’a de sens que si elle répond à des objectifs d’apprentissage prédéfinis et adaptés à la fois à la situation effective des élèves et à leurs besoins. Elle ne peut en aucun cas aider à classer, noter, étiqueter une fois pour toutes. Les enfants évoluent vite, progressent, régressent; changent de stratégies au gré des acquisitions, de l’enseignement qu’ils reçoivent, des avatars de leur vie personnelle. La prise en compte de tous ces facteurs dans un contrat d’apprentissage, défini explicitement par l’enseignant avec ses élèves; quel que soit leur âge, devrait aider ces derniers à éviter les écueils de cet apprentissage long et vulnérable.

Certes, les exigences de la société moderne et du monde professionnel se font de plus en plus pressantes vis-à-vis de la lecture. Il devient de plus en plus aléatoire de trouver du travail sans qualification. Tout aussi aléatoire de garder ce travail si l’on n’est pas capable d’évoluer et de s’adapter aux progrès extrêmement rapides de la science et des techniques. La lecture, en plus des capacités intellectuelles qu’elle aide à mettre en place, reste; contrairement à ce que l’on a un peu trop vite proclamé, la grande pourvoyeuse d’informations et le plus sûr moyen d’accès au savoir. Le recours à l’écrit est tellement instinctif chez ceux qui savent en user qu’ils en sous-estiment souvent la nécessité.

Les ambitions du projet apprendre à lire

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L’alphabétisation des masses ne peut suffire, ni même un certain degré de déchiffrage. Le lecteur moderne doit être un lecteur intelligent, capable de tirer le meilleur parti de cette source inépuisable de savoir et de progrès. L’énormité de la tâche, l’ambition du projet ne permettent pas non plus de se leurrer. Apprendre à lire, comme l’exigent les besoins de la société, est long, très long. Le savoir-lire ne peut être considéré comme acquis ni à la fin du Cycle 2, ni à l’entrée au collège, contrairement aux attentes des professeurs. Il faut laisser aux élèves le temps de l’apprentissage. La durée de l’enseignement obligatoire, qui le permet, y trouve une de ses justifications.

Pour atteindre ces objectifs, l’exercice scolaire se révèle un bien médiocre instrument. Il s’agit, très tôt, d’envisager la lecture dans son essence, dans son fonctionnement authentique. Lire est une activité intellectuelle et culturelle, qui implique le sujet dans sa totalité. Et qui n’a de sens qu’ainsi. Il est vrai qu’on apprend à lire en lisant. Encore plus vrai qu’on n’apprend pas à lire en lisant pour apprendre à lire. Mais dire cela ne suffit pas. Pour apprendre à lire en lisant, encore faut-il et qu’on y trouve dès le début du plaisir. Ou la satisfaction d’une curiosité intellectuelle qui n’est pas l’apanage de la seule lecture adulte. D’où la nécessité d’apprendre à lire par le biais de cette indispensable dimension. C’est pour ces raisons qu’une lecture, quelle qu’elle soit, ne peut que s’inscrire dans un projet de lecture. L’apprentissage est à ce prix.

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