DidactiquePédagogie

La formation didactique et les différentes actualisations

La formation qu’elle soit celle prise dans la didactique d’une discipline d’enseignement ou qu’elle soit celle de professionnels, est conçue comme obéissant aux mêmes principes de fonctionnement quelle que soit son actualisation. La formation est une virtualité qui n’existe nulle part, qu’on ne vit pas. Ce qui est donné à vivre ce sont des actualisations différentes dans des organisations différenciées par l’âge du public, l’institution commanditaire de la formation, les contenus de la formation et la hiérarchie que le formateur instaure entre une didactique comme ensemble de savoirs à faire acquérir et des attitudes à faire s’approprier. Plus la formation s’inscrit dans le projet d’instruire; et les savoirs disciplinaires sont prioritaires; plus la formation devient une formation didactique. Mais, toute formation n’est pas obligatoirement faite d’une telle survalorisation de la dimension didactique.

On peut, en effet, retrouver chez les enseignants aussi bien le modèle du formateur charismatique; que le modèle d’ajustage, que celui d’affranchissement. De même, les modèles centrés sur les acquisitions, sur la démarche ou sur l’analyse peuvent aussi être des modèles de l’enseignant. Sachant qu’un enseignant, comme tout formateur, ne met que rarement un seul de ces modèles en pratique. Enfin les visées transformatrice, scientifique, technologique et situationnelle; dans lesquelles sont organisées les formations pour les enseignants, rejaillissent sur les styles d’enseignement. Elles existent de fait déjà, dans l’enseignement du Français par exemple. Et correspondent dans les faits à des types de rapports à la didactique dans la pratique des classes. L’enseignement n’est qu’un cas particulier de la formation. On considère donc que la même matrice de fonctionnement s’actualise différemment dans la formation d’enseignants; dans la formation d’adultes en général ou dans la formation des élèves.

la formation didactique

La didactisation en formation

Jusqu’à présent et sous des formes variées, la formation est la plupart du temps réduite à l’acquisition de savoirs; que ce soient des techniques, des procédures, des notions organisées ou des attitudes qu’on traite alors comme des savoirs. Le travail de préparation des formations consiste alors à une transposition didactique. A ceci près que ce traitement que font subir les formateurs aux contenus de la formation n’est pas évalué. Il est vécu comme naturel. Le formateur n’est pas conscient des règles qu’il applique au savoir qu’il veut transmettre en formation. De là une science sans conscience qu’on appellera ici “didactisation”. Elle consiste à dériver de savoirs de référence, émis par des instances reconnues pour avoir le droit de produire des savoirs; vers d’autres savoirs qui seront, eux, des outils de formation didactique.

Ces règles de traitement de l’information que le formateur ne soupçonne même pas; mais qu’il pense inévitables, consistent à dépersonnaliser les savoirs, à les décontextualiser, à les désynchroniser. C’est-à-dire, à les segmenter et à les réorganiser selon les besoins de l’argumentation. Car il s’agit bien, dans ce type de formation didactique, de convaincre dans un discours où la cohérence, la logique formelle l’emportent sur la scientificité. Il s’agit bien plus que d’une simple perte de sens, d’une dogmatisation.

La formation didactique et l’aversion du pédagogique

La didactique a eu besoin pour s’imposer de déprécier la pédagogie. La pédagogie a joué le rôle de repoussoir, provoquant une sorte de ruée vers le pôle didactique. Plus que le désir de faire sérieux, il y a ce mépris plus ou moins avoué pour la pédagogie; lieu de l’action qui engluerait ses acteurs ; lieu du manque (de temps, de contenus, de réflexion, de formation). En somme, l’opposition Théorie / pratique est vivace et l’antagonisme Didactique / pédagogie est l’un de ses avatars.

En effet, en face des images du pédagogue qu’on plaque sur le formateur, l’autre image non moins porteuse de représentations négatives : l’artiste. Artiste de la relation humaine, plus ou moins doué, qui crée une chose brute dont on ne peut immédiatement reconnaître la valeur ; que des experts évalueront, authentifieront ou rejetteront. Pour qu’il y ait expertise, encore faut-il que la chose soit durable, vendable, qu’il y ait des traces. L’image de l’enseignant doué, artiste, repose en plus sur une idée anachronique de l’artiste.

Sans accuser, bien entendu, une quelconque intention de la formation didactique; force est de constater que la posture de didacticien a besoin encore aujourd’hui, pour se constituer, de dévaloriser le poste de pédagogue. Il ne s’agit que d’un mécanisme de fonctionnement idéologique. Toute posture n’est-elle pas aussi une imposture ? La pédagogie, insaisissable science en actes, résiste aux tentatives de travail de recherche. Pourtant, ailleurs, l’art de la danse ou de la mise en scène s’étudie… Ceci ne devrait pas empêcher la reconnaissance de la pédagogie comme une dimension de la pratique de formation.

un formateur

De la pédagogie quand même en formation didactique

Pour conceptualiser les pratiques de formation, comment situer la pédagogie sans la définir par une réduction aux techniques de transmission des connaissances ? Un ordre de la décision opératoire, la gestion de l’espace et du temps contraints par les conditions de réalisation des actions éducatives (conditions matérielles : la durée, la qualité du lieu, les règles de vie « relationnelles et affectives », comme il est usuel de dire, pour désigner d’ailleurs on ne sait trop quoi : l’intuitif, le social …).

Or, ceux qui occupent le poste de praticien de la formation aujourd’hui ne disposent d’aucune langue reconnue. Un enseignant parlant sa pratique n’a pas d’audience. Un pédagogue, un formateur d’adultes doit apprendre la langue officielle de la didactique ou des sciences-mères (psychologie, sociologie…). Pourtant, les faits d’éducation sont aussi une pratique dont on aurait tout intérêt à supposer, par respect au moins, qu’elle est compatible, voire déjà porteuse d’une praxis ; à l’envisager toujours comme un projet éducatif susceptible d’être parlé.

Alors, le terme de « pédagogie » devient une façon de nommer la dimension opératoire de la formation. La mise en forme, mise en scène adaptée à un public particulier, à une situation particulière, entre autres d’un référent didactique préexistant. Encore qu’on ait à distinguer deux éléments. D’une part le travail d’actualisation, et donc d’ordonnancement des contenus de formation qui relève du traitement didactique. Et d’autre part, le choix des modalités de travail dans la formation qui relève de la mise en œuvre pédagogique. Si on n’y fait référence qu’aux conditions de réalisation de la formation, sans faire le lien explicite avec le savoir en jeu.

Pour conclure

Ainsi, faire travailler en groupe parce qu’un savoir précis semble le nécessiter est un choix didactique. Alors que choisir le même travail de groupe pour faire que les formés communiquent et se soudent comme groupe; privilégier le relationnel parce que dans l’économie du temps et de l’espace de la formation, dans le tempo de la formation; compte tenu du temps de formation alloué; il semble bon qu’à ce moment-là les formés travaillent ensemble et que le formateur s’efface, relève de la pédagogie. En ce sens, c’est le choix du canal de communication.

La dimension pédagogique réside alors seulement dans la mise en circulation du référentiel didactique; dans la formation par un modèle de communication, d’échange dont les principes sont aussi indépendants de ce public. A la limite, on ne voit pas plus de différences, à ce niveau pédagogique, entre des élèves de collège et des élèves instituteurs qu’entre deux générations d’élèves-instituteurs. L’adaptation étant un principe de la communication, la pédagogie comme espace de décisions dans l’instant; en fonction des réactions du public, est présente dans toute formation didactique, y compris celle des adultes.

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