Un environnement pédagogique riche et varié en classe

Certes, la plupart des compétences qui permettent d’accéder au sens lors de la lecture n’appartiennent pas en propre à cette dernière et s’acquièrent dans des domaines variés recouvrant toutes les autres activités de la classe. La lecture profite de tout le travail scolaire. Certains enfants n’apprennent même que grâce à ce qui se fait en dehors, à côté de la classe de lecture. Une erreur grave, surtout répandue au Cours Préparatoire, consiste, pour pouvoir multiplier les séquences d’apprentissage de la lecture, à sacrifier des disciplines considérées à tort comme alors secondaires. Or, une méthode de lecture qui n’a pas fonctionné chez certains enfants durant les trois premiers mois, aussi bonne soit-elle, ne fonctionnera pas davantage pour eux ultérieurement. Il faut donc penser à varier et à enrichir l’environnement pédagogique de la lecture en classe.

En fait, la conduite intensive, toute l’année, de la seule méthode de lecture a pour conséquence que très vite les enfants pour lesquels elle a réussi s’ennuient. Et que les autres se désespèrent et entrent progressivement dans une dynamique d’échec face à l’écrit. Il est donc nécessaire d’introduire très vite des approches complémentaires variées. Quitte à réduire les activités liées à la méthode proprement dite.

Produire des textes

On aura en particulier intérêt, de la petite section de maternelle au CM2, CP compris, à engager ou développer des situations de productions de textes; écrits par les élèves ou dictés à l’adulte, selon les possibilités et l’âge des enfants. Autre face de la lecture, l’écriture contribue souvent à provoquer le déclic tant attendu. Attendre pour leur permettre d’écrire que les enfants soient capables de maîtriser la syntaxe de l’écrit serait les couper d’un moyen privilégié d’accéder à ce même écrit. Empêcherait-on un enfant de marcher tant qu’il ne pourrait le faire sans tomber ? Il faut se tromper pour progresser.

La tradition scolaire ayant toujours eu tendance à éviter l’erreur, ou à la sanctionner. Elle n’a pas vraiment appris à la gérer. D’où le malaise, les difficultés, l’angoisse parfois, d’enseignants à qui on demande sans transition de s’intéresser à l’erreur; de la comprendre, d’en tirer parti. Et de rompre ainsi avec une longue pratique pour s’adapter à ces nouveaux principes d’environnement pédagogique.

Communiquer, argumenter, débattre

La lecture étant une activité langagière, il serait par ailleurs dommage de réduire, après le libéralisme de la maternelle, les occasions de communiquer, argumenter ou débattre au sein de la classe. Ce n’est un secret pour personne que l’école privilégie le narratif, et peut-être aussi le descriptif. Cela ne manque pas d’intérêt, et est même fort utile. Mais le langage se développe principalement, comme l’ont montré de nombreuses études, par le biais de l’argumentation et de la paraphrase. C’est-à-dire la capacité à fournir la même information par des procédés linguistiques différents.

La vie de la classe offre de multiples occasions de développer ces compétences. Il suffit d’avoir à cœur, dans l’intérêt de tous, d’exploiter ces occasions. Et également de provoquer des situations où la communication s’instaure entre les enfants sans passage obligé par l’adulte. Ce qui éclaire d’un jour nouveau, en particulier en maternelle, le moment de langage, qui ne mérite pleinement son nom que s’il s’articule par exemple sur un projet commun, une décision à prendre, une difficulté à résoudre…

Observer, analyser, comprendre le fonctionnement de la langue

Toutes les activités spécifiques de structuration de la langue grammaire, vocabulaire, orthographe contribuent à développer les compétences linguistiques des enfants. Lorsque ces séquences sont bien menées, non pour elles-mêmes. Mais pour clairement mettre en évidence le lien qu’elles entretiennent avec la capacité à exprimer et à communiquer; elles présentent le mérite de faire prendre conscience aux enfants du rôle inappréciable qu’elles jouent; en plus de leur influence sur les productions d’écrits, pour faciliter la compréhension de l’oral et de l’écrit. Les recherches sont à cet égard éloquentes. Ils mettent en évidence, alors que les élèves de 6ème utilisent tous plutôt mal les indices orthographiques pour la prise de sens; que le plus gros écart de réussite, entre bons et médiocres lecteurs; se situe précisément dans la capacité à réinvestir ses connaissances orthographiques lors de la lecture dans un environnement pédagogique prometteur.

Lire dans toutes les matières enseignées à l’école élémentaire

Quant aux autres matières enseignées à l’école élémentaire, tout en formant l’intelligence des enfants; en éveillant leur curiosité et en nourrissant leur culture personnelle, elles contribuent à enrichir les compétences linguistiques. Elles suscitent des situations de communication et fournissent de multiples occasions de lire et d’écrire des textes non narratifs; plus justifiés et plus intéressants que bien des documents de lecture fonctionnelle proposés par les manuels. Ces textes peuvent de plus coïncider avec les seuls centres d’intérêt d’enfants ayant encore du mal à entrer dans la lecture.

Disposer de livres dans sa classe, une richesse de l’environnement pédagogique

Enfin, on ne peut envisager d’apprentissage efficace de la lecture sans livres dans la classe. Ces livres ne font pas double emploi avec la bibliothèque d’école. Romans, albums, mais aussi bandes dessinées, ouvrages encyclopédiques, dictionnaires de toutes sortes, reflètent par leur présence l’infinie variété du livre. Ces ouvrages, encore inconnus pour certains d’entre eux, passionnent les enfants, se révèlent précieux pour bien des activités ponctuelles vocabulaire, orthographe, etc. Mais leur permettent surtout d’explorer seuls de nouvelles pistes, et d’en revenir triomphants. Toutefois ces livres ne pourront jouer leur rôle que s’ils sont visibles, accessibles, et constamment sollicitables de façon autonome.

Consacrer un horaire non négligeable à la bibliothèque pour l’organiser, pour échanger des impressions; pour parler des livres, pour lire des extraits, n’est pas une perte de temps; à tout niveau de la scolarité, de la maternelle au collège. Tout cela n’exclut pas, quelle que soit la richesse des bibliothèques de classe et d’école, d’emmener les enfants dans des manifestations autour du livre; de leur faire rencontrer des professionnels de l’écrit, auteurs, journalistes, éditeurs. Cette habitude de fréquenter les livres, prise très tôt, dès la maternelle; outre qu’elle montre à certains enfants que les livres n’existent pas seulement à l’école; permet en quelque sorte à tous d’apprivoiser l’objet-livre, et accroît ainsi les chances d’une poursuite de cette fréquentation.

Pour conclure sur l’environnement pédagogique de lecture

La lecture s’apprend à tout moment dans la classe. Le médiateur, le maître, y joue un rôle capital. Les manuels et les exercices les plus performants ne pourront jamais suppléer à son influence. C’est grâce à sa disponibilité, sa patience, sa bienveillance, voire sa complicité, son enthousiasme. Grâce au climat qu’il saura instaurer dans la classe, grâce à ses propres centres d’intérêts, et à sa relation personnelle avec les livres; que les enfants entreront et progresseront avec joie dans leurs apprentissages. Il s’agit là d’une lourde responsabilité. D’une tâche difficile qui présente bien des moments de doute et de découragement. Mais qui offre aussi les joies les plus vives. Quelle plus belle récompense à ses efforts pourrait-on imaginer que d’être celui ou celle dont on se souviendra toute sa vie ?

Ces considérations générales ne sont pas un simple préambule. Si elles viennent en premier, c’est parce qu’elles sont la condition première de la réussite de l’apprentissage. Il faut garder cela présent à l’esprit, pendant qu’on envisagera concrètement quelles activités sont propres à aider les enfants dans leur conquête de la lecture. L’apprentissage et le perfectionnement de la lecture ayant avantage à se développer dans le cadre d’un environnement pédagogique riche et varié adaptée aux besoins de chaque enfant. Ainsi, pouvait se concevoir une véritable méthode d’apprentissage de la lecture.