L’apprentissage du système orthographique d’une langue particulière présente, au- delà de la compréhension initiale du principe alphabétique, des difficultés qui ne pourront être surmontées que sous l’effet de l’instruction. La méthode phonétique joue un rôle important sur la prise de conscience des phonèmes et sur les performances d’identification des mots écrits. Surtout au cours de la première année (CP). Les enfants peuvent être confrontés à des conditions d’apprentissage différentes au cours de la première année de primaire. Lesquelles ont des effets aussi bien sur la lecture et l’orthographe que sur les compétences phonologiques à l’oral.
Plusieurs études anciennes ont mis en évidence des différences importantes dans la capacité de segmentation phonémique. Ceci entre des enfants exposés à une méthode phonétique ou à une méthode globale. L’objectif ici n’est pas d’entrer dans le débat concernant les méthodes d’enseignement de la lecture. Nous nous limiterons donc à l’exposé de quelques faits expérimentaux.
Des études sur la méthode phonétique
La première étude à avoir comparé les diverses méthodes d’enseignement de la lecture réalisée par Chall (1967). Elle a comparé vingt- deux programmes d’enseignement dans trois cents classes anglophones. Elle a mis en évidence de meilleurs résultats dans les classes ayant reçu une instruction phonique précoce et systématique. Depuis, les études comparatives ont massivement démontré l’avantage de la méthode phonétique. Elle présente à l’enfant le code alphabétique de manière explicite, systématique et précoce dès le début de la première année scolaire.
La méta-analyse de Ehri et al. (2001) a mis en évidence, d’une part, que l’enseignement systématique des correspondances grapho-phonémiques était une méthode la plus efficace (résultats supérieurs en décodage et en compréhension) que d’autres, y compris celles qui enseignent ces relations mais de façon non systématique. Et, d’autre part, que l’impact de ce type d’enseignement était d’autant plus important qu’il débutait tôt dans la scolarité. De plus, l’enseignement systématique du code était particulièrement efficace pour les enfants à risque de présenter des difficultés en lecture.
Deux études francophones (Braibant et Gérard, 1996 ; Goigoux, 2000) ont évalué l’impact d’une méthode centrée sur le décodage grapho-phonémique par rapport à celui d’une méthode idéo-visuelle. Les résultats de ces deux études vont dans le même sens. Ils révèlent que les enfants exposés à une méthode idéo-visuelle ont des résultats inférieurs à ceux exposés à une méthode phonétique. Dans une étude ultérieure, Alegria, Morais, D’Alimonte et Seyll (2005) ont confirmé la supériorité de la méthode phonique. Les auteurs comparent les performances d’enfants bénéficiant soit d’une méthode phonique, soit d’une méthode non phonique. Les performances des enfants bénéficiant de la méthode phonique sont significativement supérieures. Soit dans des tâches phonologiques testées au mois de novembre de la première année et en lecture de mots évaluées au mois de mai.
Différentes approches de la méthode phonétique
Aujourd’hui, les débats concernent le rôle des différents types de méthodes phoniques. Il faut rappeler qu’une telle comparaison n’était pas l’objectif de la méta- analyse de Ehri et al. (2001) qui comparait les performances de lecture d’enfants ayant appris à lire grâce à des méthodes phoniques systématiques. Contre celles d’enfants ayant appris à lire par des méthodes phoniques non systématiques ou non phoniques systématiques.
Un important débat porte sur l’efficacité relative des méthodes phoniques synthétiques et des méthodes phoniques analytiques. Une méta- analyse sur la question du rôle des différentes approches de la méthode phonétique a été effectuée par Torgerson, Brooks et Hall. Les auteurs ont distingué, d’une part, les méthodes analytiques, où la prononciation des sons dans les mots non enseignée explicitement. Et où les enseignants apprenaient aux enfants comment déduire la lettre et le son communs à une série de mots commençant ou se terminant par la même lettre ou le même son. D’autre part, des méthodes synthétiques, où la prononciation des sons dans les mots était préconisée.
Dans le cas de la lecture, cette prononciation se fonde sur les lettres des mots écrits. Suivie de la fusion des sons (d’où l’aspect synthétique) pour produire un mot. Dans le cas de l’écriture, cette prononciation s’appuie sur le processus inverse. Il consiste à reconnaître les sons dans les mots et à écrire les lettres associées. Torgerson et al. (2006) ont examiné les effets de différents programmes d’enseignement utilisant la méthode phonique et leur importance à long terme. Cependant, ils signalent avoir trouvé très peu d’études rigoureuses s’appuyant sur des essais comparatifs randomisés. Qui permettent de comparer l’approche synthétique versus analytique. Pour les rares études disponibles, les auteurs relèvent un avantage non significatif en faveur de l’approche synthétique.
En conclusion
Certes, les données scientifiques actuelles n’indiquent pas clairement de différence d’efficacité entre les approches analytiques et synthétiques. Bowers (2020) au cours d’une autre revue systématique sur des travaux menés depuis 2007 sur l’approche phonique mise en œuvre en Angleterre ne relève pas d’effet massif d’une telle approche phonique. En fait, cet auteur plaide en faveur d’études portant sur un enseignement de la lecture non exclusivement centré sur le code.
Dans une synthèse récente livrée en français, Bosse, Baggio et Pobel-Martin insistent sur le fait que la rigueur s’impose dès lors que des données scientifiques se proposent d’infléchir les pratiques pédagogiques pour être plus efficaces. Ainsi, les auteures confirment qu’il n’y a pas de consensus sur la façon d’enseigner le code. A nouveau elles observent que rien tranché sur le type d’approche phonique qui serait plus efficace. Enfin, elles ajoutent qu’un enseignement du code fondé sur la production écrite (des mots et des lettres). C’est- à-dire allant des graphèmes vers les phonèmes, approche qui serait plus efficace pour apprendre les relations lettres- sons, ne s’appuie sur aucune recherche scientifique.