La pédagogie de projet comme tentative d’unification des disciplines
La pédagogie de projet est une forme de travail en classe qui consiste à finaliser les apprentissages, à les orienter par ou sur la fabrication d’un objet social, socialisé. Le groupe classe doit fabriquer quelque chose pour le faire circuler, dans la classe, dans l’établissement ou à l’extérieur.
Une pédagogie de la production sociale
La pédagogie de projet, en fait une pédagogie de la production sociale, est un dispositif qui se base sur un seul principe organisateur : la circulation des produits. Le groupe d’élèves se centre sur un projet de production. Les apprentissages sont régulés par la dynamique du travail en cours. Et le produit réalisé destiné à d’autres personnes qu’aux seuls membres du groupe.
Il s’agit bien de pédagogie, puisqu’on gère les conditions de réalisation de la classe. Mais la dite pédagogie de projet est conçue dans un modèle économiste de l’objet à produire. Alors, ce n’est pas une pédagogie de projet mais une pédagogie de la production.
Le projet (installer des jeux dans la cour) est escamoté par la réalisation de la tâche (écrire une lettre). Laquelle est le projet-programme de l’enseignant (faire apprendre à écrire une lettre). En fait, pour l’élève, il s’agit de fabriquer un objet utile (la lettre à propos de cette cour) et non pas d’évoluer avec un projet. Il apprend donc à être dans une vision fonctionnaliste de l’activité.
L’objet à produire se confond avec le projet. Il y a contresens sur le mot projet. Ce n’est pas par le projet que la situation s’organise mais par la fabrication de l’objet. Or, ce n’est pas parce qu’on est pris dans une fabrication, qu’on est mis en projet. La tâche peut cacher le projet. Fabriquer un produit n’implique pas d’être en projet. C’est davantage une pédagogie de la fabrication, que du projet.
L’élève apprend des stratégies de résolution d’un problème
Le projet de départ est devenu un objectif à atteindre. Sur sa trajectoire de réalisation opérationnelle, la lettre sert à convaincre le concerné, dans l’espoir de contourner la difficulté. L’authenticité se réduit au fait que l’objet serve. L’élève, devenu acteur, apprend des stratégies de résolution d’un problème, dans la pensée par objectifs. Or, penser par projets, ou pédagogie de projet n’est pas mettre en place une stratégie pour atteindre un objectif.
Cette logique économique peut même être poussée jusqu’à une logique industrielle; quand il s’agit de faire fabriquer des objets techniques en classe de technologie des collèges. L’utilité du projet devrait donner l’appétit de le réaliser. Alors le problème est qu’on ne sait plus s’il s’agit d’un projet didactique ou d’une méthode pédagogique; une façon d’organiser les contenus ou une mise en scène pour motiver l’élève en socialisant les produits ?
Ainsi quand on dit : « L’enseignant a intérêt, par exemple, à travailler le portrait (description du personnage dans le récit) non seulement dans l’écriture. Mais encore dans la lecture et l’expression orale. L’enseignement gagne en homogénéité. L’approche transversale des contenus d’une modalité à l’autre, développe des démarches de pensée. On obtient un outil de motivation supplémentaire pour l’apprenant en faisant converger ces démarches en un fonctionnement socio-affectif ou expressif. Les démarches convergent en structurant une compétence, du portrait par exemple. On entend, outre la volonté d’homogénéiser la discipline par l’utilisation du « écrire-lire-parler » pour entraîner à la même tâche, l’assimilation d’une « compétence » à un projet. En plus, la définition en même temps du projet par la convergence d’exercices, de procédures : c’est alors un programme et non pas un projet.
Une pédagogie de projet bien plus qu’une juxtaposition de micro-tâches
L’utilisation du terme de projet pour désigner un ensemble de micro-tâches orientées vers une compétence finale assimilée à une tâche plus large : un objectif de maitrise comme « rédiger un portrait », ne garantit pas qu’on soit sorti du découpage d’objectifs généraux en objectifs opérationnels, de ce taylorisme pédagogique. Le projet ici n’est qu’une mise en forme pédagogique. Un travail pédagogique sur les conditions de manipulation des notions pour obtenir la motivation de l’élève. C’est-à-dire son adhésion à un projet que le formateur lui impose habilement, croit-il.
Ensuite, on se demande comment le fait de mettre ensemble peut suffire à établir un projet d’ensemble qui donne une signifiance aux contenus développés et par quel tour de passe-passe. L’élève ne les assimile pas dans l’abstrait, mais il comprend immédiatement leur utilité et leur finalité. Car cette convergence est un programme s’organisant selon la seule juxtaposition des micro-tâches sensées aboutir à la compétence finale. Alors ce projet, perdant sa dimension imaginaire, risque de se réduire à un programme; et de rétrécir son champ de signification à l’énoncé de critères d’évaluation.
Enfin, on se demande à quoi ce dispositif peut être pertinent. Sinon à l’acquisition de contenus qu’on aurait de toute manière imposés. La pédagogie de projet est organisée sur un principe tautologique. C’est un projet parce que diverses activités convergent. Elles convergent parce qu’elles constituent, en les additionnant, un projet.