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La pensée critique et sa relation avec l’expression des émotions

Avant d’aborder le sujet, on souligne que les élèves exercent leur jugement critique à titre de compétence transversale. Nous considérons l’exercice du jugement critique comme une manifestation de la pensée critique. Nous choisissons le terme « pensée critique », car nous croyons que les émotions peuvent avoir une influence au-delà du jugement critique. En fait, les émotions et la pensée critique peuvent s’inter-influencer. Intervenir sur l’un ou l’autre des aspects peut favoriser le développement de la pensée critique ou la compréhension des émotions. Nous visons donc à préciser dans cet article le lien qui existe entre les émotions et l’expression de la pensée critique.

La pensée critique en education

Rôle des émotions dans le développement d’une pensée critique

Les émotions sont caractérisées par un état affectif. Plusieurs émotions de base ont été reconnues dans les écrits. Par exemple, la peur, la tristesse, la colère, la joie, la surprise, le dégoût et la détresse. Le fait de penser de façon critique aide à être à l’écoute de ses émotions. Sans être pour autant contrôlé par celles-ci. Les sentiments qui proviennent de l’intérieur et l’intuition représentent des éléments à considérer chaque fois qu’un processus décisionnel est amorcé. En fait, pour améliorer les habiletés à penser de façon critique. Il est nécessaire de prendre conscience des biais personnels, des habitudes ainsi que des états émotifs.

Les émotions peuvent nous tromper, nous faisant estimer que nous avons raison. Même lorsque la décision prise se révèle être inefficace. Il serait plausible de dire que les émotions altèrent l’habileté à penser de façon critique. Les penseurs critiques ne suppriment pas leurs émotions ni ne sont influencés outre mesure par celles-ci. La réponse naturelle aux émotions et aux sentiment tempérée de façon constructive par une manière de penser qui se veut critique.

La pensée critique fournit alors un espace pour sélectionner les émotions et les sentiments. Et ainsi reconnaître ceux qui sont les plus appropriés pour une situation donnée. Nous pouvons avancer que la pensée critique n’est plus uniquement un processus analytique froid et insensible. Mais qu’elle comprend des émotions et des passions d’une façon positive.

Les composantes émotives de la mémoire

En effet, les réactions émotives que l’apprenant éprouve à l’égard d’une tâche à réaliser peuvent grandement influencer son attitude au regard d’une même tâche dans un contexte précis. De façon générale, les gens font confiance à leurs réactions émotives comme indicateurs de leurs attitudes. La prise de conscience des sentiments, autant que les processus de pensée qui accompagnent l’accomplissement d’une tâche, est importante justement pour le contrôle réel qu’on a sur cette tâche. Les individus utilisent leurs réactions affectives comme des éléments significatifs dans des situations où ils sont appelés à prononcer des jugements de valeur. Par ailleurs, les composantes émotives de la mémoire semblent alors détenir un rôle important dans la réponse de l’individu à des situations émotives qui se déroulent au moment présent.

Lorsqu’un élève doit s’engager dans une activité, il est possible qu’il expérimente une ou des émotions déjà éprouvées lors d’activités similaires dans lesquelles il s’est engagé antérieurement. Parce que ces émotions constituent le cœur d’une pléthore de conditions provenant d’expériences passées, l’émotion sert de moyen pour libérer la mémoire, révélant ainsi des informations potentiellement importantes au regard de la valeur de sa participation.

Enfin, notons que le rôle accordé aux émotions se caractérise comme celui d’une interface intelligente qui serait le médiateur entre les intrants et les extrants. Ainsi, ce sont les émotions qui permettent d’évaluer l’importance relative des nouvelles informations en lien avec un événement afin de s’y adapter. Ceci en fonction du contexte, des besoins de la personne et de ses objectifs.

expression des émotions en classe

Rôle de la pensée critique sur l’expression des émotions

D’abord, nous jetons un regard sur la pensée critique et ses composantes. Puis, nous examinons comment les stratégies affectives se mettent en lien avec la gestion ou l’expression des émotions. De façon générale, la pensée critique s’associe à des habiletés cognitives, comme celles d’analyser, interpréter, évaluer. Et à des attitudes/dispositions, notamment s’étonner, faire preuve d’ouverture d’esprit, manifester un jugement analytique.

La pensée critique se définit comme une pensée raisonnable, rationnelle, qui nous aide à décider que croire ou que faire. Bien qu’il soit commun de séparer la pensée et les émotions, un peu comme si ces entités étaient indépendantes. Le fait est que tous les sentiments ou toutes les émotions humaines reposent en pratique sur une certaine forme de pensée. En fait, nos pensées naissent, du moins jusqu’à un certain point, de nos émotions. Réfléchir, penser avec un certain niveau d’introspection et d’auto-compréhension exigent que nous réconcilions les liens étroits qui existent entre la pensée et les émotions, et entre la raison et les émotions.

Les penseurs critiques se rendent compte que leurs sentiments ou encore leurs émotions constituent en fait la réponse. (non pas la seule possible ou nécessairement la plus raisonnable) à une situation donnée. Ils reconnaissent que leurs émotions pourraient être différentes s’ils avaient une compréhension ou une autre interprétation de la situation. Ils admettent également que les pensées et les émotions représentent en fait deux aspects intrinsèquement liés, émanant de leurs propres interprétations.

D’un autre côté, les penseurs non critiques voient peu ou pas de rapport entre leurs émotions et l’expression de leur pensée. Malheureusement, ce faisant, ils fuient leur responsabilité au regard de leurs propres pensées, de leurs émotions et de leurs actions. Qui plus est, leurs émotions leur semblent souvent inintelligibles.

L’interaction entre l’affectif et le cognitif

Paul (1982) propose un modèle qui caractérise l’interaction entre l’affectif et le cognitif en relation avec la pensée critique. L’auteur présente deux niveaux qu’il a appelés le weak sense of critical thinking et le strong sense of critical thinking. Le premier niveau représente la personne possédant de nombreuses habiletés de pensée critique qui les utilise pour défendre ses propres intérêts, son propre point de vue. Il s’agit ici de la simple maîtrise d’habiletés intellectuelles de pensée critique sans souci de l’autre, sans empathie intellectuelle.

On retrouve au deuxième niveau, en plus des habiletés intellectuelles de pensée critique, un souci de l’autre. Une décentration permettant de comprendre l’autre, ses valeurs. Et ainsi de prendre une décision plus éclairée, plus globale, moins entachée de valeurs personnelles.

En réfléchissant à ce que signifient ces deux niveaux, on peut comprendre que le développement de la pensée critique peut comporter deux facettes. Une maîtrise d’habiletés intellectuelles accompagnée de peu d’empathie intellectuelle. Ou la même maîtrise associée à une compréhension limitée de l’autre et de ses valeurs. Au premier niveau, on pourrait dire que le développement de la pensée critique aurait peu d’influence. Ou encore aurait une influence néfaste sur l’expression des émotions ou le développement émotionnel. Par exemple, en présence d’empathie intellectuelle, il peut être difficile d’adapter ses explications ou justifications à une situation particulière. Et, ainsi, d’avoir un échange fructueux.

Au deuxième niveau, on peut comprendre que le souci de l’autre, dans l’expression de sa pensée critique, peut faciliter l’établissement de relations interpersonnelles saines et harmonieuses. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de confrontations. Mais, quand elles se produisent. Les confrontations tiennent compte d’un ensemble de facteurs dans les relations avec soi-même et les autres.

La pensée critique et les émotions sont étroitement liées

Les comportements intenses d’une personne extrêmement engagée sur le plan émotif peuvent prendre la forme d’efforts intellectuels et physiques accrus pour défendre son point de vue. Ou de difficultés de raisonnement face aux arguments apportés par une personne qui défend un point de vue opposé. En gardant à l’esprit que nous voulions explorer le rôle de la pensée critique sur l’expression des émotions. Nous énonçons les idées qui suivent:

  • La pensée et les émotions sont étroitement liées. Le fait de prendre conscience que l’expression de notre pensée vient en partie de nos émotions peut aider à comprendre que les émotions sont parfois différentes. Ce dans la mesure où nous faisons une interprétation plus critique de la situation.
  • Le développement d’une pensée critique aide à porter un regard externe et à apporter une certaine forme d’objectivité. La pensée critique ferait donc en sorte que les émotions aient moins d’influence sur les jugements qu’on porte sur les idées, les opinions, les personnes, les événements…
  • Si l’engagement émotif est trop grand, le développement d’une pensée critique contribue à porter un jugement plus éclairé à propos des différences entre ses propres idées et celles des autres.
  • Le développement de la pensée critique suppose des habiletés de jugement de la qualité d’un texte, par exemple. Même si ce texte va à l’encontre de ses propres idées. Dans ce cas, des habiletés de pensée critique aident à ne pas se laisser trop influencer par les émotions. Cela peut donc aider à la gestion des émotions dans d’autres circonstances.

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