Education

La technologie éducative et le travail de formation

L’expression, technologie éducative, aujourd’hui savoureuse. Il s’agit de la définition opérationnelle des objectifs, du design pédagogique. Le travail de formation est donc un plan de ce qui doit être fait, orienté par l’objet de l’apprentissage. Objet de l’apprentissage désigne ici la façon qu’on a de parler ce qui est donné à apprendre au formé. L’objet fabriqué par la fonction de la structure. Si le dispositif est apprentissage, il s’agit de nommer par tel dispositif précis l’apprentissage visé.

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Group of young adults, photographed from above, on various painted tarmac surface, at sunrise.

La rationalisation des pratiques

L’objet à apprendre est couramment désigné par le terme d’objectif. Ce terme s’est tellement banalisé qu’on ne soupçonne même plus qu’on s’inscrit en l’employant dans un projet de rationalisation des pratiques. Rationalisation en fait, dans une perspective technicienne dont l’indicateur est la référence à des taxonomies d’objectifs. Le modèle structuraliste s’est fort bien accommodé du modèle de la pensée par objectifs. Il suffit de confondre la fonction remplie par la structure avec un objectif donné à atteindre pour une technologie éducative prometteuse. Mais alors on suppose que le dispositif est linéaire. Un agencement causal d’effets en chaîne obéissant au seul critère de cohérence vers l’inéluctable atteinte de l’objectif. Le dispositif devient mécanique. La même confusion se fait avec la notion de projet comprise comme atteinte d’objectifs fixés après un bilan; avec la même réduction au programmatique.

Toute structure est quelque peu mécanique, et donc tout dispositif aussi. Mais le croisement entre structuralisme et pensée par objectifs en redouble la logique. De là une sorte de naïveté qui a consisté à croire que l’apprentissage est une trajectoire. Et que le bon dispositif est celui qui donnera le plus court chemin entre ignorance et acquisition !

En outre, les valeurs économistes qui se parlent en terme d’efficacité ont poussé à chercher la façon la plus rapide d’obtenir la transformation du formé : le concepteur du dispositif; dans une sorte de délire de maîtrise de l’autre; a monté une usine à transformations, dans le déni d’une technologie éducative. On aboutit alors à un formatage de série. Le dispositif se confond avec un programme de transformations obligatoires.

Efficacité du contrat par objectifs

La pensée par objectifs est devenue une systématique fermée qui oblige à promouvoir une conception rigide de la formation. Elle oblige à réduire le processus d’apprentissage à une acquisition et le concepteur du dispositif à se prendre pour le maître du destin de l’autre. La pratique du « contrat par objectifs » n’a fait que persuader le formé d’adhérer à ce systématisme. Le convaincre encore davantage du caractère inéluctable de l’acquisition de la chose désignée. Par le contrat d’objectifs, l’agent formaté prend le relais de la raison du formateur. On le met en situation d’accepter la transformation attendue. Le même phénomène de persuasion s’effectue dans l’évaluation formatrice avec le processus cette fois d’autocontrôle des procédures de fabrication des produits dans le cadre d’une technologie éducative


En fait, il s’agit bien d’un système total de conceptualisation du monde que l’évolution des pratiques de formation a rendu obsolète. Sauf si le formé lui-même partage cette vision. Et se satisfait du confort que peut procurer pendant un temps réduit à l’état d’agent; voire d’objet à transformer.

La nature du savoir que l’objectif désigne peut aussi pérenniser la pensée par objectifs. Plus l’objectif désignera un savoir encyclopédique, du savoir préexistant à la personne, un fragment de technique normée et indiscutable; plus il sera facile de se couler dans le moule de la structure de formation imposée. Et d’accepter donc d’être là pour faire preuve de l’acquisition de ce savoir externe.

Le formé peut trouver du confort à ne pas être concerné réellement par le travail de formation. Son corps à l’abri alors, derrière l’acquisition de normes programmées. L’opposition systématique entre le public et le privé dans la personne; peut servir ici d’alibi pour afficher que former, c’est transformer et faire que rien ne change.

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Le projet apprendre de la technologie éducative

En effet, la pensée par objectifs institutionnalise le projet d’apprendre. L’institutionnalisation du sens donne l’illusion d’un code partagé qu’on peut inculquer et dont on pourrait certes vérifier la conformité. Cet arrière-fond consensuel n’est pas de l’évaluation, c’est la logique de contrôle qui s’y déroule. Que ce soit utile et nécessaire à une communauté d’en passer par là; n’implique pas qu’on fasse de ce travail le seul travail possible ; le seul travail attribué à l’évaluation et le seul important. L’institutionnalisation ainsi conçue ignore l’imaginaire social et la singularité des personnes professionnelles.

Enfin, la pensée par objectifs fonctionne sur des usages contrôlés et contrôlables. Elle ne permet pas de travailler le pouvoir d’interprétation qui fait passer le formé de la posture d’agent à celle d’acteur ; voire d’auteur d’une technologie éducative. Elle ne permet pas de comprendre la pratique évaluative. L’auto-évaluation y est en fait, confondue avec la vérification de la conformité des réponses attendues, l’auto-bilan.

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