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Le goût de lire et le milieu ambiant à la lecture

Si tous les enfants ont envie de savoir lire, ils n’ont pas tous envie d’apprendre à lire. Certains le pressentent dès la maternelle. Ils supputent gravement, sérieusement, les difficultés à venir. Mais même pour ceux-là, le milieu ambiant leur a tellement répété qu’à la grande école ils apprendraient à lire, qu’ils pensent que miraculeusement, très vite, ils rentreront à la maison magiquement pourvus de ce pouvoir. La dure réalité de l’apprentissage, la routine du perfectionnement peuvent aisément transformer cette curiosité et cette attente en indifférence, si ce n’est en dégoût, envers le monde de l’écrit. Bien que, quoi qu’on en dise, l’école réussisse plutôt bien en ce domaine, il n’est pas inutile de rappeler quelques principes propres à développer et entretenir le goût de lire et cette motivation première à l’égard de la lecture.

ambiance de lecture

Textes proposés à la lecture

Le goût de lire dépend étroitement des textes proposés et de la manière dont ils sont exploités. Il est donc judicieux de proposer des textes adaptés à l’âge et aux intérêts des enfants, sans s’interdire toutefois de les initier à des domaines inconnus qui éveilleront d’autres intérêts. Les enfants sont sensibles à l’humour, aux textes d’imagination, aux récits d’actions et d’aventures, à l’exotisme, aux œuvres mettant en scène des enfants ou des animaux. Bref à des écrits chargés d’émotion qui font rêver, qui font rire, qui font pleurer, qui font peur.

Le choix de textes en fonction des goûts et des curiosités des enfants pose évidemment le problème des bons et des mauvais textes, et du rôle culturel de la lecture. L’école peut-elle proposer des écrits médiocres qui plaisent ? Sa tâche n’est-elle pas au contraire de faire naître et de développer une sensibilité esthétique et littéraire ? Ces deux points de vue ne sont pas aussi incompatibles qu’il y paraît. Si l’objectif à long terme reste incontestablement de préparer le terrain afin de faciliter un apport culturel littéraire massif au collège et au lycée, d’aider les enfants à dépasser leur goût pour les écrits faciles, les moyens d’y parvenir ne passent pas nécessairement par la ligne droite.

Pour faire évoluer les goûts d’un individu, on ne peut ignorer ses intérêts premiers. Il est au contraire nécessaire de s’en servir pour en susciter de nouveaux. L’important est d’abord que l’enfant lise et qu’il aime lire. Peu importe, dans un premier temps, la nature de ces lectures. Lorsque le jeune lecteur aura mordu à l’appât de la lecture; il sera aisé ensuite de nourrir son appétit avec de nouveaux textes. Cela sera d’autant plus facile qu’il existe des œuvres de qualité qui répondent à ses goûts.

Extraits ou œuvres intégrales pour développer le goût de lire ?

Reste le débat sur la nécessité de lire des œuvres intégrales ou de lire des extraits. Là encore la systématisation des points de vue crée un faux problème et la solution pédagogique réside dans un sage équilibre. Lire des textes intégraux, c’est surmonter, grâce à l’aide de l’adulte, la crainte du gros livre. C’est s’initier au fonctionnement réel du texte, à sa structure et à sa diversité. C’est mettre en place de véritables comportements de lecteur, c’est préparer l’avenir.

Les extraits en revanche permettent de varier les textes et les activités; de diversifier les intérêts et d’en faire naître de nouveaux, de créer une frustration positive qui donne envie d’en lire plus et qui fournit ainsi un vivier bibliographique. Surtout si les ouvrages sont disponibles dans la bibliothèque de classe, d’école. L’école a donc tout intérêt à ne s’interdire aucune approche du livre. Et à proposer extraits et textes intégraux, à partir desquels chaque enfant; en fonction de sa maturité et de sa personnalité, construira son devenir de lecteur.

Exploitation pédagogique des textes lus

Si le choix des textes est capital pour faire naître et entretenir le goût de lire, l’exploitation qui en est faite n’est pas moins fondamentale pour susciter ou tuer l’intérêt. La lecture est une activité solitaire, qui se satisfait en elle-même. Aussi peut-il sembler paradoxal qu’une séance de lecture ne se contente pas seulement de donner à lire. C’est ne pas tenir compte de la conscience de l’enseignant dont la fonction est de faire progresser les enfants. Et de se donner des moyens de vérifier cette progression. Il semblerait donc qu’il y ait une incompatibilité fondamentale entre apprentissage scolaire de la lecture et naissance d’un authentique goût de lire.

En effet, quel adulte continuerait à aimer lire, à lire même, si à chaque occasion il devait, s’extrayant à la magie de son livre, rendre des comptes sur sa lecture ? Rien n’est plus dommageable au goût de lire que ces questions formelles et ponctuelles; faisant plus appel à la mémoire qu’à l’interprétation, qui semblent constituer, dès l’école maternelle, le prix à payer du plaisir.

Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas agréable de parler librement de sa lecture; d’en discuter et de partager les émotions qu’elle a fait naître. Ce genre de débat, lancé et animé par l’enseignant, pourrait très bien s’instaurer dans la classe. Et remplirait bien mieux le rôle d’approfondissement et de vérification que le formalisme d’un questionnaire obligé qui n’intéresse souvent ni le maître ni les élèves.

Pour être efficace, une exploitation doit être ressentie par tous comme nécessaire. Qu’elle se présente sous forme de jeu, d’énigme ou de débat, elle doit s’apparenter à une résolution de problème. Les enfants, actifs, auront alors l’impression d’avoir triomphé d’une difficulté. Et par conséquent d’avoir fait un pas de plus dans l’exploration du texte.

goût de lire

Attitude positive de l’enseignant entretient le goût de lire

Un dernier facteur, non le moindre, pour faire naître et développer le goût de lire sera l’attitude positive de l’enseignant. On ne peut apprendre, et encore moins aimer ce que l’on apprend, lorsqu’on est en situation d’échec. Et que, perdant toute confiance en ses capacités, on se sent impuissant à progresser. Le maître, sans pour autant manifester une complaisance exagérée que les enfants ressentent comme insultante; devra donc davantage insister sur les réussites que sur les échecs de ses élèves.

C’est en leur faisant prendre conscience de ce qu’ils savent faire que l’enseignant pourra les aider à surmonter leurs difficultés. Et éviter l’indifférence ou le dégoût qui s’installent nécessairement à l’égard d’une tâche inaccessible. La détection de capacités chez les élèves profondément enfoncés dans l’échec n’est pas aisée. D’autant plus que les enfants ne peuvent y aider. Une évaluation formative bien construite se révélera alors l’outil indispensable, sans lequel aucune action pédagogique appropriée ne peut être conçue.

Une autre forme de l’attitude positive du maître consiste à se faire l’intermédiaire entre l’écrit et les enfants non-lecteurs ou mauvais lecteurs. Plutôt que de se cantonner dans un rôle de contrôle ou de sanction; le maître efficace est celui qui soutient et qui aide, qui partage son savoir lire au lieu de se contenter de l’enseigner. Quitte à lire lui-même les passages qui font difficulté, sans trop insister ni se fâcher; afin de relancer l’anticipation et les stratégies de découverte.

Enfin le maître-médiateur est celui qui ne considère pas qu’il perde du temps s’il lit des histoires à des enfants qui savent déjà lire. Quel meilleur moyen de donner envie de lire que de consacrer, chaque jour; un quart d’heure, une demi-heure s’il le faut, à la lecture de contes, de romans…?

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