Pédagogie

Le transfert pédagogique définition et perspectives

Souvent, la question du transfert pédagogique se pose avec insistance car si les méthodes d’apprentissage semblent donner à première vue satisfaction tant aux apprenants qu’aux enseignants, il importe de savoir si, dans des situations différentes de celles de l’apprentissage, les apprenants sont capables de réutiliser les modes de raisonnement qu’ils ont acquis. Cette question est centrale car la maîtrise de modes de raisonnement ne peut constituer une fin en soi, mais elle est difficile à résoudre pour des raisons méthodologiques.

Le transfert pédagogique

Définition du transfert pédagogique

Il est tout d’abord important de définir ce qu’est le transfert. Si on se réfère au dictionnaire de la psychologie d’H. Pieron, on lit qu’« il y a transfert quand les progrès obtenus au cours de l’apprentissage d’une certaine forme d’activité entraînent une amélioration dans l’exercice ou l’acquisition d’une activité différente, plus ou moins voisine ».

Le problème posé réside dans le « plus ou moins voisine », c’est-à-dire dans l’évaluation de la distance entre la situation de départ et celle d’arrivée. Pieron parle d’activités, ce qui ne correspond pas exactement à la tâche accomplie dans un atelier, sauf à élargir la notion d’activité à activité mentale.

On retrouve la même difficulté dans une définition donnée par G. Oleron, dans le traité de psychologie expérimentale : « L’apprentissage est à base de transfert : il n’est possible que si l’acquisition réalisée au premier essai est transposée au second et ainsi de suite. Dans ce cas particulier, les tâches sont successives et le transfert se traduit alors en terme de facilitation, de rapidité voire d’efficience ».

En effet, il semble plus pertinent de définir le transfert comme la capacité à mettre en œuvre des connaissances et des compétences acquises dans un contexte nouveau. Cette définition est plus proche de l’objectif poursuivi. Il existe en fait différents types de transfert. Il est donc nécessaire de préciser duquel nous parlons. Nous nous intéresserons au transfert cognitif, c’est-à-dire à la possibilité pour les apprenants d’utiliser les opérations intellectuelles étudiées dans différents contextes.

Critères de mesure dans l’étude du transfert pédagogique

L’une des grandes difficultés dans l’étude du transfert est la mesure des écarts qui séparent la situation de départ de celle d’arrivée. Pour mieux l’appréhender, nous allons indiquer quelques critères propres à préciser les situations à mettre en place.

En premier lieu, le contexte joue un rôle fondamental. L’apprentissage s’effectue dans le cadre d’un enseignement précis. L’apprenant, pour aller du transfert le plus proche au transfert le plus lointain, peut-il refaire un exercice semblable dans le même contexte, un exercice portant sur une même opération intellectuelle mais avec un habillage différent, peut-il se rendre compte, dans un exercice scolaire. Ou, de manière encore plus éloignée, dans le cadre de la vie quotidienne, que l’opération qu’il a vue est à utiliser?

Un deuxième critère est à prendre en considération. Le type de présentation et la formulation des exercices. Ils servent souvent de point de repère à l’élève pour situer le genre d’exercice auquel il est confronté. Le type d’opération intellectuelle ainsi que son niveau sont, bien entendu, à prendre en compte, quoique, avec la mise en évidence de l’hétérogénéité cognitive des élèves, il devient peu vraisemblable d’avoir un transfert d’une opération vers une autre.

La définition de certains de ces critères est délicate car s’il est facile de différencier contexte scolaire et contexte de la vie quotidienne, il devient plus malaisé de préciser le type de formulation en jeu. En outre, on peut percevoir que la coordination de ces différents critères complexifie encore l’analyse du transfert réalisé.

Le transfert par analogie

Un des types de transfert qu’utilisent souvent les élèves est le transfert par analogie. Un certain nombre de travaux qui ont étudié ce problème ont mis en avant l’importance du rôle des traits de surface et des traits de structure.

  • Les traits de surface. Les apprenants ont tendance, devant un problème nouveau, à tenter des appariements avec des connaissances en mémoire. Pour que cet appariement puisse avoir lieu, il est nécessaire que le problème nouveau ait le même objectif qu’un problème connu et que l’apprenant possède une procédure pour le résoudre. Il n’utilisera l’analogie que s’il peut appliquer directement cette procédure au problème nouveau.
  • Les traits de surface sont liés aux caractéristiques contingentes des situations, donc à l’habillage des problèmes. Les traits de structure. Il s’agit des modes de raisonnement et des opérations intellectuelles à mettre en œuvre pour résoudre le problème. L’apprenant ne fera pas appel spontanément aux traits de structure. C’est pourquoi il est nécessaire de lui faire faire une analyse afin qu’il mette en œuvre (un processus mental conscient et volontaire). Il faut donc focaliser son attention sur le processus qui conduit à la solution et non sur la situation elle-même. Cette prise de conscience de la manière d’arriver à la solution correspond à la définition même de la métacognition. Si l’on désire que les apprenants se centrent sur les traits de structure, il faut leur donner l’habitude de cette démarche. Devant une situation nouvelle, l’apprenant doit se demander quels sont les modes de raisonnement qu’il a à sa disposition et trouver lequel est le mieux adapté. Il faut qu’il se détache des analogies immédiates (traits de surface) pour se demander s’il faut classer, sérier, comparer, combiner, coordonner des données, etc.
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La diversité des résultats

Dans l’une des études faites, les situations ayant servi de base à la mesure du transfert étaient des tâches de planification. Dans une autre, les situations proposées étaient proches de la vie quotidienne, telles que raconter un film à suspense d’une vingtaine de minutes ou prendre une décision simulée d’achat d’une télévision ou d’une machine à laver. Enfin, dans une étude concernant les élèves de 6ème, le transfert était mesuré dans quatre matières disciplinaires.

Il en ressort en premier lieu que les progrès sur le plan cognitif sont indéniables, quelle que soit la méthode ou le public concerné. Les apprenants, comparés à un groupe témoin, maîtrisent mieux les opérations intellectuelles étudiées durant leur formation.

Les résultats concernant les dimensions de la personnalité sont plus partagés. Si la maîtrise de l’impulsivité est nette, un progrès dans l’estime de soi n’est pas systématiquement observé. La difficulté réside ici dans le moment de la mesure. Pour obtenir des résultats fiables, il serait nécessaire de mesurer l’évolution de l’image de soi qu’ont les apprenants entre un pré-test et un post-test passé quelques mois après la formation.

Dans les épreuves destinées à mesurer le transfert, les résultats sont divers. Certaines études montrent que quelles que soient les variables considérées, on ne trouve pas de différences significatives entre le groupe expérimental et le groupe témoin. Alors que d’autres indiquent des gains supérieurs pour les apprenants du groupe expérimental, comparés à ceux obtenus par le groupe témoin. Sans entrer dans les détails, il apparaît clairement que ces résultats contradictoires sont essentiellement dus à des problèmes de méthodologie d’étude du transfert.

L’analyse des écarts

Si l’on désire mieux comprendre comment s’opère le transfert, il est nécessaire de se pencher sur les processus mis en jeu par les élèves lors de la résolution des exercices. Le seul résultat final, en termes de réussite ou d’échec, ne permet pas de se rendre compte de la réalité du transfert. En effet, un échec peut être dû à des causes multiples, qui ne sont pas forcément liées à des raisons cognitives. Enfin et surtout, il ne rend pas compte des progrès réalisés. Certains apprenants qui, au début, sont en grande difficulté, peuvent avoir nettement progressé sans pour autant être en réussite dans les situations-supports servant à la mesure du transfert. On ne peut donc pas parler d’échec, plutôt de progrès non suffisant mais en cours de réalisation.

Il semble plus fructueux de tenir compte de l’évolution des stratégies mises en œuvre dans la résolution des exercices. Une analyse fine du niveau de ces stratégies permet alors de déterminer les progrès effectifs. On constate que les études qui mesurent en tout ou rien les progrès des apprenants concluent à l’échec du transfert alors que celles qui prennent en compte l’évolution du niveau des stratégies notent que des progrès significatifs ont été accomplis par les apprenants du groupe expérimental.

En effet, de nombreuses variables parasites interviennent qu’il est souvent difficile de contrôler. La comparaison des gains obtenus entre un groupe expérimental et un groupe témoin fait intervenir des variables concernant les apprenants, la situation pédagogique et les enseignants. Même si ces difficultés ne doivent pas faire abandonner ce type de recherche, elles demandent un contrôle sur celles qui sont le plus susceptibles d’influencer les résultats. Sans doute, le rôle de l’enseignant est primordial, aussi mérite-t-il une attention toute particulière.

Les perspectives des études sur le transfert pédagogique

À travers ces diverses réflexions, il semble prématuré de trancher quant à la question du transfert pédagogique. Il paraît indispensable de continuer les recherches mais en proposant des pistes de réflexion bien précises. En premier lieu, il faut s’efforcer de connaître de manière de plus en plus précise les processus qu’emploient les apprenants au moment où ils résolvent des situations qui nécessitent le transfert. Seule cette connaissance détaillée permettra d’améliorer les propositions de remédiation.

Pour mieux comprendre les stratégies mises en œuvre par les apprenants, l’analyse cognitive de la tâche s’impose. Elle permet de connaître les similitudes et les différences entre les situations étudiées lors des remédiations et celles proposées lors du transfert pédagogique. La connaissance précise des opérations intellectuelles en jeu permettrait de situer l’ampleur du transfert par une meilleure connaissance de l’écart entre la situation de départ et celle d’arrivée.

En second lieu, il devient impératif de diversifier les situations donnant lieu à mesure du transfert. Les situations scolaires peuvent être multiples. Si les quelques études effectuées portent sur des disciplines littéraires ou scientifiques, il serait très intéressant d’élargir le champ des investigations à des disciplines qui sont souvent considérées comme moins importantes mais qui, sur le plan du développement cognitif, n’en sont pas moins essentielles. Nous pensons plus particulièrement à l’EPS ou à la musique.

Enfin, l’analyse cognitive des stratégies conduisant à la réussite et leur confrontation aux stratégies réellement utilisées par les élèves permettraient d’éclairer davantage le problème du transfert pédagogique.

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