Grâce au précieux travail sur les représentations, nous savons aujourd’hui à quel point les élèves sont, avant même que l’acte d’enseignement commence, empêtrés dans une multitude de représentations de toutes sortes. Alors que le maître n’a pas encore ouvert la bouche, ils savent ce qu’est la digestion ou le sujet d’une phrase… ils le savent avec infiniment plus de certitude que nous ne l’imaginons, au point que ces représentations subsistent ou resurgissent quand bien même la rigueur d’un exposé aurait dû, en bonne logique, les éradiquer et leur substituer de véritables savoirs.
Les représentations résistent à tout effort didactique
En ce sens, les représentations sont, peut-être, l’une des expressions les plus identifiables de la résistance de l’apprenant dont la prise en compte constitue, à notre sens, la spécificité du moment pédagogique. Résistance irritante et que l’on tente sans cesse d’ignorer ou de briser. Résistance qui témoigne aussi de la difficulté centrale de toute entreprise éducative. Permettre à l’autre d’être interrogé par le savoir qui lui est enseigné et, pour cela, réexaminer obstinément la manière dont on le lui enseigne.
C’est pourquoi le pédagogue doit éviter, dans son travail sur les représentations, deux écueils symétriques. L’ignorance méthodique de ces représentations et l’illusion que l’enseignement pourrait facilement en purger les élèves pour autant qu’il se donne comme objectif explicite l’accès à la rationalité. Car, si les représentations résistent autant à tout effort didactique, c’est qu’elles comportent deux dimensions essentielles. Sur le plan fonctionnel, d’une part, elles sont particulièrement utiles pour faire face à un certain nombre de situations de la vie quotidienne ou effectuer rapidement des exercices scolaires. Elles peuvent également constituer de précieux outils pour affronter la complexité des choses et communiquer avec autrui. D’autre part, les représentations forment entre elles une sorte de réseau. Elles impliquent plusieurs champs disciplinaires et s’organisent autour de principes qui leur confèrent une véritable cohérence.
En conséquence, le travail sur les représentations est un des éléments déterminants de la réussite d’un apprentissage. Sans un travail systématique d’élucidation, de repérage, de mise en relation des représentations, la rupture introduite par l’enseignement ne sera que superficielle ou provisoire. En revanche, si l’enseignant « travaille » les représentations. S’il les met en jeu et réexamine sans cesse leur pertinence, alors la rupture devient possible. Et, avec elle, la reconstruction d’un système d’intelligibilité des choses plus efficace. Car, il permet d’intégrer des éléments nouveaux et d’accéder à un niveau supérieur de complexité.
Les outils du travail sur les représentations
En fait, la prise en compte des représentations se fait par un recueil systématique de celles-ci. Et à travers une identification de ce qui constitue leur fonctionnalité et leur cohérence. Ce travail permet donc l’accès à une déstabilisation du système de représentations suivie par une re-stabilisation à un niveau supérieur. Autrement dit la mise en échec d’un système de représentations et la construction d’un système plus efficace. Pour ce faire, trois outils pourront être présentés.
- Le recueil des représentations. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, d’une situation facile. Les élèves rusent en effet souvent avec le maître qui les interroge. Ils lui répondent en interprétant ses attentes plutôt qu’en livrant la réalité de leurs conceptions. C’est pourquoi, aux techniques habituelles (questionnaires, entretiens, etc.), il faut ajouter des moyens plus élaborés. Ceci permet de révéler les représentations à travers la manière dont les élèves tentent de résoudre un problème. Ou d’effectuer une tâche.
- L’organisation de situations expérimentales dans lesquelles les représentations des élèves sont mises à l’épreuve et, parfois, mises en échec. Le blocage qui apparaît alors permet d’identifier l’obstacle constitué par une représentation inadéquate. C’est ensuite autour de cet obstacle qu’on peut construire la situation d’enseignement/apprentissage grâce au travail sur les représentations.
- La construction de réseaux notionnels. L’élève mis en situation d’articuler diverses représentations pour identifier la structure du réseau qu’elles constituent. Et repérer les notions qui ne se situent pas dans le même registre conceptuel. Ou échappent à la cohérence de l’ensemble. Ce travail sur les représentations permet également de distinguer le sens d’une représentation selon sa mobilisation dans tel ou tel champ épistémologique. Il constitue, de plus, un excellent moyen de faire un inventaire raisonné des concepts étudiés dans le cadre d’une discipline. Et de dégager la matrice disciplinaire qui préside à leur organisation.
heureux d’ètre parmi vous .