Les moments collectifs en classe sont des moments où certains attendent que les autres répondent. Soit, ils ne s’intéressent pas et perturbent le groupe. Soit, ils ne présentent aucune gêne pour le groupe ou l’enseignant. Comment les repérer puis les aider à participer à la vie de classe, à devenir acteur à part entière ? Dans la classe, les échanges verbaux sont nombreux : échanges avec son voisin, avec un pair, échanges avec l’adulte qui sont autant de situations dont l’enfant a, a priori, l’expérience dans sa vie quotidienne.
Mais la vie de la classe fait naître des situations où l’élève se retrouve avec bien moins d’expérience. Ce sont les situations de communication de groupe avec leurs spécificités : dimension sociale de la communication, interlocuteur multiple. Tel enfant qui s’exprime avec aisance avec ses camarades et avec l’adulte devient alors muet. Le poids et le regard du groupe, les enjeux de la prise de parole, les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à faire prendre sa parole en compte sont autant d’écueils sur lesquels les volontés de participer se brisent. L’enfant, alors, sait qu’il ne sait pas comment s’y prendre. De cet enfant à l’enfant qui argumente, justifie et propose, les stratégies sont multiples.
Les stratégies d’élèves pendant les échanges verbaux
Plusieurs stratégies peuvent être repérées, mais il y a fort à parier qu’elles relèveront d’un même processus. Silences, observations, repérages de stratégies utilisées par ceux qui savent, essais par imitation, validation par le groupe, appropriation, et ainsi de suite ; depuis les stratégies économiques jusqu’aux stratégies plus impliquantes. Citons par exemple :
- L’enfant qui suit, s’intéresse, acquiesce ou dénie, sans toutefois communiquer autrement que par le non-verbal.
- L’enfant qui demande la parole puis renonce, la tâche étant trop importante.
- Celui qui utilise une formule rituelle du type « c’est vrai », ou «je suis témoin», afin de participer sans trop s’impliquer.
- L’enfant qui fait le clown, afin d’attirer l’attention sur lui et communiquer ainsi avec quelques-uns puisqu’il ne peut le faire avec le groupe entier.
- L’enfant qui répète systématiquement ce qui vient d’être dit par un de ses camarades, dit déjà accepté donc acceptable.
- Celui qui cite, notamment la parole de l’enseignant, intervention qui ne peut donc être mise en cause.
- L’enfant qui gomme le groupe en commençant sa communication par l’interpellation d’un camarade. S’adressant à lui, il fait disparaître les échanges verbaux avec ce groupe qui lui fait peur.
- L’enfant qui utilise l’humour pour gagner son auditoire.
Souvent, le cheminement est long jusqu’à la maîtrise de sa propre prise de parole en grand groupe. Bien des adultes peuvent en témoigner.
Les rituels à l’école maternelle
Les rituels à l’école maternelle sécurisent l’enfant, ils participent à l’élaboration de repères. Les échanges de civilités, l’appel, les comptines, les faits divers constituent des moments de langage traditionnels. Les enfants y adhèrent spontanément et ceux qui se tiennent en retrait sont vite repérés. Les enfants qui sucent leur pouce, ceux qui jouent, ceux qui regardent ailleurs sont remarqués. Il faut alors mener une sorte d’enquête discrète pour noter s’ils parlent à d’autres moments, dans d’autres lieux et situations. Les échanges verbaux varient aussi en fonction des interlocuteurs. Tendre l’oreille aux moments des entrées et sorties avec la famille peut être source de renseignements.
En dehors de ces moments collectifs, les occasions de parler doivent être multipliées : le goûter, l’habillage, les passages d’une activité à une autre sont des lieux où la parole reste prioritaire. Ainsi, elle se banalise pour les enfants qui ont peur et devient objet d’apprentissage pour tous.
Les rituels des cycles postérieurs pour les élèves en difficulté
Il est important que la parole de l’enfant ait un véritable impact, donc une fonction dans le groupe. Le rituel, au début, est un moyen de s’approprier une place dans le groupe et un type de discours. En même temps, l’élève apprend que chaque situation a sa fonction, chaque discours ses contours et son enjeu spécifique. Les rituels se complexifient. Le rôle de l’enfant évolue vers plus d’autonomie et une plus grande responsabilité dans la gestion ou l’initiative.
Pour perfectionner, un rituel du même ordre qu’en maternelle s’est mis en place. Un enfant désigné par le hasard d’un tirage au sort est l’animateur du rituel. C’est à lui que s’adressent les questions des autres, c’est lui aussi qui donne la parole. Il se substitue dans ces rôles à l’enseignant qui reste à ses côtés pour l’aider à assumer sa tâche. Les difficultés scolaires des enfants de cette classe sont telles qu’ils distinguent mal la gauche de la droite, ne connaissent pas toujours en début d’année leur date de naissance et ne se repèrent pas dans un calendrier.
En outre, ils ont échoué dans l’apprentissage de la lecture. Le travail effectué à l’oral, qui constitue la démarche choisie par l’enseignant, leur permet d’améliorer considérablement leurs échanges verbaux et leurs performances langagières orales. Mais aussi d’avoir envie d’entrer dans l’écrit, d’entamer un apprentissage de la lecture. Après avoir remis à jour le calendrier, compté les absents, l’élève désigné dirige le rituel des questions et commentaires simples liés au calendrier, l’appel…