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Les mouvements sociaux et leurs rapports avec l’école

Avant de commencer, nous voulons insister sur la lâcheté de certains adultes qui utilisent les élèves pour régler leurs problèmes institutionnels en les entraînant dans des mouvements de grève ou de protestations. Ce qui constitue la force d’un véritable mouvement syndical, c’est d’abord son identité. Parenthèse fermée, nous voulons attirer l’attention sur l’enjeu crucial constitué par l’adéquation entre les mouvements sociaux et le vécu institutionnel de l’école.

L’école, observatoire de mouvements sociaux

L’école doit se positionner en tant qu’observatoire du sociétal détectant ainsi les dérives et les dangers de certains mécanismes pervers de notre société. Elle doit apprendre aux jeunes la capacité d’observer, de comprendre, de refuser ou de s’intégrer au sein d’un mouvement social. Toutefois, celui qui redéfinit la citoyenneté et les principes de vie en commun doit passer par l’école. Nous espérons qu’il sera suffisamment structuré pour canaliser toutes les haines semées par notre société. Sur le plan de l’action collective, la multiplication des clivages sociaux et la séparation de la domination et de la stratification sociale se traduisent par l’éclatement des mouvements sociaux.

mouvements en école

Désormais, l’action collective se fractionne et se donne sens à partir de logiques multiples. Se référant de moins en moins aux rapports de production tels qu’articulés par les mouvements ouvriers. Les luttes sociales qui caractérisent les nouveaux mouvements sociaux; dont on peut dire qu’elles ne sont centrées ni sur le travail ni sur la lutte des classes, possèdent à présent un caractère fragmenté. À l’instar des sociétés dans lesquelles ils évoluent, les mouvements des sociétés modernes avancées ne se structurent plus à partir d’un principe central.

La mobilisation des mouvements sociaux

La perte de l’unité du monde social ne signifie pas que le monde social disparaît. Peut-on fonder les relations sociales sur les seuls projets des individus et sur les seuls contrats qu’ils passent plus ou moins librement ? On peut craindre que le déclin de ce ciment social n’ouvre l’espace qu’à une morale de vainqueur. En effet, si chacun se construit comme il l’entend à travers une autoréférence éthique et des ressources inégalement distribuées; plus rien ne peut rassurer les individus en les ancrant dans des rôles et des cultures.

Nous aimerions qu’un vaste mouvement social exprime démocratiquement la haine de certains jeunes; avant que des pans entiers de notre société ne s’enflamment. Les partis démocratiques et les syndicats ne réfléchissent plus assez en terme d’idéologie. Ils manquent de scientifiques et de sociologues capables de les éclairer sur la construction de notre société. Ils auront une immense responsabilité face aux déchirements de notre société.

Ce qui rend difficile l’accord et la mobilisation collective dans un établissement ne tient pas simplement à la bonne ou à la mauvaise volonté des enseignants ni à la qualité de l’équipe de direction. Ou à la plus ou moins grande homogénéité du corps enseignant. Cela tient d’abord à certaines caractéristiques des sociétés modernes, devenues pluriculturelles, plurilingues, pluri-religieuses… Bref des sociétés qui ne partagent plus les mêmes valeurs ni les mêmes conceptions du bien commun ou dans lesquelles coexistent des définitions différentes du bien commun ; néanmoins, elles peuvent toutes prétendre à la légitimité et aucune ne peut être considérée comme non pertinente ou non avenue dans son domaine pour éviter les mouvements sociaux.

L’appropriation active des règles

En fait, l’accord n’implique pas que chacun renonce à ce qui lui paraît le plus essentiel. Mais il exige beaucoup plus la construction de compromis provisoires; d’agencements plus ou moins solides qui permettent l’action commune et la cohésion de l’ensemble. Ainsi, souvenons-nous que les élèves eux-mêmes vivent dans plusieurs mondes, à l’intérieur de l’école par exemple, lorsqu’ils passent d’un enseignant à l’autre et en dehors (famille et groupes de pairs). Il est probable que les travaux de reconstruction et de négociation des règles devront être permanents. Moins au sens où on changerait sans cesse les règles de base. Mais dans le sens où il ne suffit plus d’imposer d’en haut des règles aux élèves. Ces règles doivent pouvoir être discutées. Peut-être faut-il insister ici sur le fait qu’on ne peut pas simplement inculquer d’en haut des règles.

mouvements sociaux

Dans le travail de socialisation, les élèves sont actifs. Ils réagissent à ce qu’on leur impose, ils doivent pouvoir s’approprier activement les règles. La question est d’abord de savoir ce qui rend possible aux élèves cette appropriation active des règles et ce travail de construction des règles. D’où l’exigence du dialogue, mais dans un cadre fort. Le maître reste en permanence le garant du respect des procédures de discussion. Le rappel à la loi empêche l’institution de la loi. C’est-à-dire la perception de l’autre comme un autre soi-même. En prétendant permettre l’accès à la culture dans sa dimension universelle, l’école rabat l’enfant sur l’immédiateté de son intérêt particulier. C’est d’abord dans l’organisation du temps et de l’espace que l’école peut produire des mouvements sociaux.

Pour conclure…

Dans une société en mutation, l’école ne peut répondre à toutes les sollicitudes sociétales ou à tous les manquements de différents acteurs. Elle doit donc se centrer sur les apprentissages de base et sur le vivre ensemble. Pour l’instant, ces deux finalités s’entrecroisent dans un jeu assez contradictoire. L’école ne peut pas redresser à elle seule une société dans laquelle des politiciens mentent, trichent; tout en proposant aux jeunes un contrat pour vivre dans le respect des lois.

Quelle est la différence entre un ministre corrompu, un président de société véreux, un spéculateur sans scrupules et un petit dealer de quartier ? Aucune. Les jeunes manquent d’exemples, de modèles, de repères et de considération. Certes, le langage, la communication et la loi restent des éléments fondateurs de l’école de demain. Celle capable de recréer des espaces de démocratie où tous comprennent que la liberté ne s’arrête pas où commence celle de l’autre; mais qu’elle commence là où commence celle de l’autre.

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