Pédagogie

Les images mentales et le développement cognitif

Diagnostiquer la diversité de gestion des images mentales, apporte un éclairage plus approfondi sur les itinéraires d’appropriation des élèves et du développement de leurs structures cognitives. L’attention, l’imagination, la mémorisation, la compréhension et la restitution, processus nécessaires à l’acquisition d’un apprentissage, sont, en effet, des gestes mentaux qui s’effectuent toujours sous forme d’images mentales. Elles consistent en évocations des informations à intégrer, pouvant se prolonger par des activités verbo et/ou scripto-motrices.

images mentales

La diversité des images mentales et leurs paramètres de gestion

Les images mentales naissent des perceptions de nos sens. Il existe des images mentales :

  • auditives, nées de l’audition.
  • visuelles, nées de la vision.
  • olfactives, nées de l’odorat.
  • gustatives, nées du goût.
  • kinesthésiques, nées de la combinaison, à des degrés variables, du toucher, de l’équilibre, de la proprioception (place et mouvement des muscles), de la température et de la douleur, ces quatre derniers sens étant reconnus comme tels auparavant et ajoutés à la classification ancienne d’Aristote.

Dans la culture occidentale, les images mentales les plus utilisées sont les images visuelles et auditives. Gérer une image mentale visuelle consiste à revoir dans sa tête la donnée à apprendre, comprendre, restituer. Gérer l’image mentale auditive consiste à redire dans sa tête cette donnée.

La gestion des images mentales s’effectue selon quatre paramètres différents. On peut évoquer :

  • Les personnages, les choses, les scènes.
  • Les mots, leurs formes, leur aspect, leurs sons, et les phrases, leur structure et leur rythme.
  • Les opérations complexes, selon lesquelles on relie les choses, les personnages, les scènes aux mots.
  • Les opérations élaborées qui combinent les trois paramètres précédents pour permettre le raisonnement abstrait.

Nous utilisons surtout l’image mentale visuelle et auditive, parfois la kinesthésique, en variant les paramètres selon l’apprentissage à effectuer. Un auditif se racontera les détails qui l’aident à s’orienter la première fois («Là, devant le panneau jaune, je tourne…, puis au niveau du fleuriste…») tout en photographiant aussi quelques points de repère qui, pour retrouver le même lieu une autre fois, baliseront sa restitution, même si celle-ci se fera d’abord sous la forme auditive. Le cerveau, en effet, privilégie en premier une forme et déclenche ensuite les autres images mentales. L’imagination alors se déploie.

Le fait de ne pas tenir compte de l’image mentale dans l’enseignement provoque des difficultés au niveau des enseignants comme des élèves.

Difficultés pour les enseignants ne tenant pas compte de la diversité des images mentales

Il arrive que des enseignants communiquent et évaluent par un canal de communication déterminant, lié fortement à un type privilégié d’image mentale. Ainsi, un professeur de mathématiques ou de sciences naturelles, gérant plutôt des images mentales visuelles, écrira au tableau une démonstration en répétant : «Vous voyez que…» ou «Nous observons que…». Le « voyez » lui paraissant si évident qu’il sert d’explication. Et pourtant, l’élève auditif sera alors perdu, car, pour lui, un graphique, des formes, des chiffres qui s’alignent ne signifient rien en tant que représentations mentales. Il les voit, bien sûr, mais ne les évoque pas visuellement.

Si son professeur, en revanche, dit à haute voix ce qu’il écrit et verbalise chaque opération, il pourra se les répéter et comprendre car il pourra passer par son image mentale auditive pour traiter et intégrer ces nouvelles données. Dans l’évaluation aussi, on peut noter l’importance de l’influence de l’image mentale privilégiée du professeur. Ainsi, un professeur d’histoire, gérant plutôt des images mentales auditives, aura tendance à surévaluer ses élèves auditifs car ils sauront raconter ce que lui-même a dit et pénalisera, involontairement, les élèves visuels qui, ne s’étant pas approprié les informations dites, n’ont que quelques points de repère, peu nombreux et flous.

les images mentales chez un élève

Difficultés au niveau des élèves

Il y a plusieurs origines possibles à certaines de leurs difficultés. Il peut y avoir :

  • Un problème d’images mentales floues, imprécises, inexactes parce que les sens qui les ont fait naître présentent une baisse d’acuité. Un élève visuel, par exemple, qui voit mal, et surtout un élève auditif qui entend mal, car ce manque est rarement évalué à l’école, restitueraient de façon incomplète les informations photographiées ou enregistrées dans leur tête.
  • Un problème dû à la transformation interne d’une information vue en une information dite dans la tête, et vice-versa. Un élève, par exemple, recopie avec des erreurs d’orthographe ce qui est au tableau en oubliant les s, les ent, et les doubles lettres car, gérant auditivement, il lit en se répétant les informations inscrites mais il ne s’entend pas dire les s, les ent, ni les doubles lettres au moment de la restitution par écrit sur sa feuille.

Il est donc utile de prendre en compte cette diversité de gestion des images mentales par une pédagogie différenciée d’aide méthodologique, qui en est une des stratégies efficaces possibles.

La diversité des stades de développement des structures cognitives

Selon la théorie constructiviste de Piaget, trois stades jalonnent le développement opératoire des structures cognitives :

  • Le stade concret qui permet de comprendre par l’action sur la réalité.
  • Le stade formel de la pensée hypothético-déductive qui permet de raisonner par l’abstraction et la théorisation.
  • Et le stade intermédiaire qui, selon l’activité et la situation d’apprentissage, fait appel au stade concret ou formel.
développement cognitif

Certes, Il serait irraisonnable d’utiliser ces informations comme alibi pour trier et classer les élèves. D’un côté, les concrets à qui l’on servirait une sauce pédagogique comprenant du manuel déguisé en technologie nouvelle. Et, de l’autre côté, les formels à qui l’on offrirait le top niveau de l’enseignement. La tentation de constituer des filières est si forte parfois !

Ces stades de développement opératoire ne sont en rien des critères de jugement de la valeur des élèves. Mais un éclairage jeté sur leurs processus d’apprentissage et leur gestion d’images mentales pour guider le choix des activités qui prendraient l’élève là où il est pour le conduire au formel par une succession d’opérations hiérarchisées. Et ce, tout en considérant que ces stades sont fluctuants, surtout à l’adolescence. Ce sont plutôt des registres de fonctionnement cognitif dont l’élève, même au stade formel, peut ne pas se servir pour des raisons de blocage psychologique. En histoire, par exemple, la notion de chronologie et de temps doit être acquise en début d’année. C’est aussi abstrait que l’espace qu’il faut aussi comprendre à travers les coordonnées géographiques. Même des adultes, parfois, ne l’ont pas vraiment maîtrisé, faute de formalisation suffisante des images mentales.

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