Education

Les sciences de l’éducation l’étendue de l’approche scientifique

Le statut et même la légitimité d’une approche scientifique de l’éducation sont l’objet de débats et les sciences de l’éducation sont régulièrement contestées. Il est vrai que les institutions chargées de mettre en œuvre la recherche en éducation sont dispersées, peu coordonnées, ce qui explique, en partie, la difficulté à rendre visibles l’étendue et l’intérêt des recherches effectuées. Mais le débat de fond porte sur le rapport à la notion de discipline scientifique. Doit-on considérer que l’objet « éducation » suffit à lui seul à définir une science spécifique? Doit-on, au contraire, considérer que différentes disciplines scientifiques constituent les matrices fondamentales de l’analyse rigoureuse des faits éducatifs ?

Des conceptions différentes des sciences de l’éducation

L’éducation, une ou des sciences ? Pour un collectif d’auteurs réunis autour de Louis Not; une science de l’éducation serait centrée en priorité sur la réalité éducative en tant que telle. Elle interrogerait les autres sciences pour en synthétiser les résultats sous forme de théorie qui serait à son tour confrontée à la pratique. Le modèle présenté tend même à opposer la connaissance scientifique; assimilée à la recherche de lois mesurables et reproductibles, et la connaissance pédagogique qui; par la contrainte de son propre objet, montre des réseaux d’interactions complexes entre des éléments divers, tels que les formés, les formateurs, les contenus de formation et les institutions concernées.

Une telle « science de l’éducation » se confondrait avec la pédagogie, voire avec la pédagogie expérimentale. Le maître d’œuvre en serait le pédagogue, le seul à même de repérer, dans la réalité éducative, la pertinence d’un problème et d’agir en chercheur évaluant la réalisation des actions-projets.

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Recherche en éducation et recherche sur l’éducation

Viviane de Landsheere affirme aussi la validité d’une science de l’éducation; en opposition à des sciences dont les objets ne seraient pas nécessairement l’éducation ou la formation. Elle distingue la recherche en éducation, qui porterait directement sur l’éducation et la formation. Et se trouverait en rapport étroit avec la pratique éducative ou avec la formation des formateurs, et la recherche sur l’éducation; qui serait dépendante des différentes disciplines scientifiques. Focalisée momentanément sur l’éducation, elle serait tributaire des critères de validité de ces sciences mères.

Viviane de Landsheere assimile alors ce qu’elle nomme la « science de l’éducation » et la recherche en éducation. Il s’agit ici d’élaborer « un savoir spécifique qui se distingue des autres savoirs relevant des sciences de l’homme ». L’analogie habituelle avec la médecine est un argument supplémentaire. Celle-ci comporte plusieurs branches, par exemple en fonction des méthodes utilisées ou des sujets d’application. Elle se nourrit des sciences fondamentales (anatomie, biochimie, biologie, physiologie); tout en conservant sa spécificité à la fois comme science et comme art. De même, l’éducation peut être considérée comme une science avec son champ propre et comme une dimension de l’action humaine. Il s’agit d’élaborer une théorie générale du curriculum conçu comme l’« ensemble intégré des activités poursuivant des fins éducatives ou formatives ».

Rarement utilisée, l’expression « science de l’enseignement » caractérise une analyse des processus d’enseignement dans un cadre d’expérimentation contrôlée. En dehors de tout a priori pédagogique, il s’agit d’une analyse fonctionnelle de la classe, principalement des interactions enseignant-élève [Bayer et Ducrey]. Pour d’autres auteurs, les sciences pédagogiques présenteraient les fondements scientifiques de la pratique pédagogique. Alors que les sciences de l’éducation, plus vastes et non orientées vers l’application, seraient dominées par les disciplines fondamentales mettant l’accent sur l’éducation en tant que processus.

Diversité et unité des sciences de l’éducation

La reconnaissance de la diversité des approches scientifiques de l’éducation est la position la plus généralement adoptée aujourd’hui. Une première orientation consiste à établir avec le plus de précision possible l’état de cette diversité, en recourant à une démarche classificatoire. Chez Gaston Mialaret, par exemple, l’intérêt se porte vers l’énoncé d’un tableau général des sciences de l’éducation. Il note l’extension contemporaine de la notion même d’éducation. Extension en ce qui concerne les âges des sujets (prolongement des actions éducatives vers le haut ou vers le bas), les institutions concernées, les domaines de formation, les formes d’action pédagogique. Mais c’est par une définition des situations et des faits d’éducation que l’auteur justifie la nécessité des recherches scientifiques.

Une situation éducative se caractérise par l’action d’un individu ou d’un groupe sur un autre en vue d’exercer des modifications. Il est alors possible de distinguer des conditions générales à un niveau institutionnel global, des conditions locales (établissement scolaire, équipe de formateurs), des conditions de la relation éducative (par exemple, au sein d’un groupe classe). Une telle diversité de facteurs se présente comme la raison profonde de la diversité des sciences de l’éducation. Il y a nécessité d’appréhender le phénomène éducatif dans plusieurs directions et à plusieurs niveaux.

Les sciences de l’éducation se forment par l’ensemble des disciplines qui étudient les conditions d’existence, de fonctionnement et d’évolution des situations et des faits d’éducation. Démêler les facteurs qui entrent en jeu requiert un grand nombre de disciplines scientifiques. Celles qui étudient les conditions générales et locales de l’institution scolaire (la sociologie de l’éducation, la démographie scolaire) ; celles qui étudient l’acte éducatif lui-même ( la psychologie de l’éducation) ; enfin, les sciences de la réflexion et de l’évolution (la philosophie de l’éducation, les sciences de la planification).

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À la recherche d’une cohérence

L’orientation classificatoire précédente fait courir le risque de mettre l’accent sur l’éclatement des perspectives adoptées sur les faits éducatifs. Conscient de ce type de difficulté, on peut analyser, en contrepoint, ce qui fait l’unité des sciences de l’éducation. C’est donc par rapport à leur objet que les sciences de l’éducation trouvent leur principe de regroupement en une famille aux contours assez bien délimités; par rapport aux autres domaines de la recherche scientifique. La pluridisciplinarité interne constituerait la « Clef de voûte » de cette unité. Car la complexité des phénomènes à analyser ne peut pas donner lieu à une explication simple et unilatérale.

D’autres avis vont plus loin dans la recherche de cohérence. Certains, attentifs aux approches cliniques, défendent une approche multi référentielle des pratiques, des situations et des faits éducatifs. Soucieux de rendre compte de la complexité du réel, ils considèrent que les pratiques éducatives. Mais, plus généralement encore, les pratiques sociales sont habitées par une richesse; un foisonnement de sens qui ne se laissent pas réduire par une explication scientifique mono disciplinaire. il conviendrait alors d’adopter une approche globale qui articulerait entre elles les optiques de lecture.

Avec ce même souci de réflexion épistémologique, on peut aussi tenter de préciser la forme spécifique de rationalité que développent les sciences de l’éducation. Elles produisent des savoirs sur un processus l’éducation qui est aussi un champ de débats philosophiques et sociopolitiques à haute teneur symbolique et un champ de pratiques. Elles ne constituent pas des branches d’autres sciences humaines. Mais élaborent des savoirs spécifiques qui mettent à l’épreuve les finalités et les pratiques éducatives.

Retour à la pédagogie ?

Une revalorisation de la pédagogie, en tant que réflexion sur la pratique éducative, se développe. Dans un essai de « pédagogie générale »; Gaston Mialaret ne prétend ni fournir des recettes pratiques ni établir un bilan exhaustif de la recherche scientifique en éducation. À mi-chemin entre ces deux orientations, l’objectif consiste à présenter de manière systématique les informations disponibles aujourd’hui sur les « situations d’éducation ». L’éducateur-praticien vu comme le principal bénéficiaire de cette synthèse pédagogique. Les résultats de la recherche en éducation elle-même prioritairement considérés comme une « nouvelle source de savoir et d’information » en vue d’améliorer l’action.

Ce souci de l’amélioration de la pratique éducative quotidienne se manifeste; aussi chez Philippe Meirieu qui met l’accent sur les apprentissages des élèves. Il cherche tout d’abord à répondre aux critiques énoncées à l’égard de la recherche en éducation. Accusées, d’un côté, de vouloir imposer des vérités scientifiques aux éducateurs. De l’autre, de sombrer dans l’idéologie, les sciences de l’éducation ne sont pourtant assimilables; selon l’auteur, ni à la tentative scientiste ni à la tentation idéologico-politique. Elles cherchent plutôt à développer des modèles d’intelligibilité de la chose éducative. De tels modèles proposent des mises en forme explicatives des faits éducatifs.

C’est dire encore que la diversité des sciences de l’éducation; tout en étant pleinement reconnue et assumée, n’est pas exclusive d’une mise en cohérence où trois pôles peuvent être articulés. Un pôle axiologique (définition des fins de l’éducation), un pôle scientifique (connaissance produite par les différentes sciences humaines), un pôle praxéologique (orientation vers l’action). L’objectif visé est un renouvellement de la pédagogie comme réflexion sur les apprentissages et comme projet d’action. En ce sens, pédagogie et sciences de l’éducation ne s’excluent pas mais ne s’incluent pas non plus » Meirieu.

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