Pédagogie

Appareil conceptuel de la didactique

La didactique est devenue la pièce maîtresse dans la formation des enseignants par ce qu’elle est reconnue comme une condition nécessaire à leur professionnalisation. Au fil des ans, plusieurs notions didactiques ont été forgées dans le domaine scientifique en l’occurrence les mathématiques. Grâce à son caractère de généralité, la didactique des mathématiques a donné naissance à des concepts didactiques qui par la suite, ont émigré vers d’autre champs disciplinaires qui les ont critiqué et reformulé compte tenu de leur spécificité et de leur propre configuration. Il est à noter que la didactique continue sans cesse son travail de conceptualisation.

La Transposition didactique d’un savoir

Il s’agit d’un processus par le quel un savoir savant devient un contenu d’enseignement dans les établissements scolaires. En effet, l’école crée des objets de savoir originaux enseignables et évaluables, adaptés aux fins de formation qu’elle se propose. C’est un travail de didactisation où se concentrent les efforts de création des situations d’apprentissage, qui devraient répondre à des critères bien définis.

En classe, l’apprenant et l’enseignant sont deux registres épistémologiques différents. En fait, le pouvoir appartient à l’enseignant qui dispose d’une somme de connaissances supérieure à celle de l’élève, et il sait au préalable comment les choses s’agencent les unes avec les autres. Bref, il dispose aussi d’un pouvoir d’anticipation qui accentue la différence entre le temps didactique (enseignant) et le temps d’apprentissage (élève). Dans le temps d’apprentissage, l’élève devrait avoir la possibilité de gérer son temps comme il veut. Or, le rapport au savoir de l’enseignant se présente comme contrainte au temps d’apprentissage de l’apprenant qui le construit au fur et à mesure de l’avancement dans la résolution des situations d’apprentissage alors que l’enseignant l’insère dans une chronologie plutôt didactique.

En classe, l’enseignant dispose d’un objet d’enseignement, dépersonnalisé, qui ne peut être livré tel qu’il est aux élèves. Il faut penser à lui donner une raison d’être en classe à ce moment précis. L’enseignant est alors appelé à poursuivre la transposition didactique en classe qui se concrétiserait dans une création didactique supplémentaire ou tout savoir objet d’enseignement fera inévitablement l’objet d’une recontextualisation marquée permettant ainsi l’installation d’une nouvelle gamme de rapports au savoir pour chaque élève et qui devrait finir par être de la responsabilité de chaque apprenant. Or, le rapport au savoir, même s’il présente les mêmes traits aux élèves d’une même classe, il est fondamentalement spécifique à chacun dans sa subjectivité.

Le contrat didactique

Il est la somme des règles qui dans la relation didactique relèvent strictement du savoir: l’enseignant doit réunir les conditions qui assurent l’apprentissage. L’apprenant doit entrer dans le projet du maître, ainsi l’enseignement l’emporte sur l’apprentissage.

Or, il y a rupture de contrat quand l’élève reste tout seul vis-à-vis du problème, c’est la dévolution didactique où l’apprentissage l’emporte sur l’enseignement. Il y aura aussi rupture de contrat par exemple quand l’enseignant « souffle » les réponses, comme dans la pièce de Marcel Pagnol où le maître tente d’obtenir un pluriel correct à « des moutons ». Ici l’enseignant fournit l’essentiel du travail et de réponse attendue de façon à dissimuler l’incapacité de l’élève à faire face à la difficulté de l’apprentissage, c’est l’effet Topaze.

De même le développement de cette attitude peut conduire à l’effet contraire celui de l’effet « jourdain » où de la même manière que la banalité des propos du Bourgeois gentilhomme est rehaussée en prose. Les réponses de certains élèves sont présentées comme l’indice d’une maîtrise maximale voire de perfectionnement.

On cite aussi d’autres effets didactiques néfastes en l’occurrence le « glissement métacognitif » où la source des difficultés est recherchée dans la non-maîtrise d’une méthode. Or l’apprenant est parfois hésitant quand au choix de la stratégie à adopter vis-à-vis d’une situation problème.

contrat de la didactique

La situation problème stimule le processus de raisonnement

La situation problème est une situation d’apprentissage conçue de telle sorte que l’élève ne puisse résoudre la question posée du problème par une simple répétition ou une simple recomposition de connaissances transmises. Par contre, elle nécessite la formulation d’une gamme d’hypothèses nouvelles à confirmer ou à infirmer par le raisonnement qui suit le processus stratégique que l’apprenant choisit à adapter.

En effet, le travail de la didactique consiste à construire des situations à caractère artificiel et complexe, dans le cadre des contraintes bien définies de la classe. Ces situations doivent permettre aux élèves de s’emparer d’un problème lui-même calibré en vue de provoquer la nécessité de la construction par l’élève de connaissances nouvelles. Le maître doit donc effectuer non la communication d’une connaissance mais la dévolution du bon problème. Si cette dévolution s’opère, l’élève entre dans le jeu et s’il finit par gagner, l’apprentissage s’opère.

L’objectif dont l’acquisition permet à l’apprenant de franchir un obstacle

En classe, les exercices types sont toujours les mieux réussis par les élèves, car leur résolution a trait aux exercices traités auparavant. Ils se situent dans le même cheminement des performances acquises.

Or les exercices innovants, sont le plus souvent mal réussis en classe. J’entends par innovants, ceux pour lesquels il y n’a pas de modèle traité auparavant. Ici on est hors du contrat didactique car le type de questions posées par l’exercice, les procédures à suivre n’ont jamais été traitées en classe.

Pour certains élèves ce genre d’exercices pourrait donner lieu à des obstacles, à des blocages partiels d’ordre cognitif et parfois d’ordre affectif, faisant ainsi surgir chez beaucoup d’élèves une mixture spécifique à chacun soit d’insuffisante domination des concepts, soit de manque d’habilité stratégique dans la résolution de la situation problème.

En définitive, les différents parcours de résolution de la situation problème donnent lieu à plusieurs spécificités d’obstacles que l’enseignant aurait à prendre en charge pour aider l’apprenant à les dépasser en se fixant des objectifs obstacles, car il y a toujours des élèves qui essaient tant bien que mal d’entrer dans le jeu, se heurtant en général à une ou plusieurs graves difficultés conceptuelles.

franchir un obstacle de la didactique

La trame conceptuelle et ses niveaux de formulation

La trame conceptuelle est un ensemble de concepts-clés propres à un domaine quelconque, logiquement hiérarchisés entre eux, qui structurent les disciplines et qui sont là pour engendrer et résoudre les situations problèmes.

Par exemple, en calcul arithmétique, le concept de l’addition est engendré par la relation partie / tout, la comparaison (plus que / moins que), etc.

La trame conceptuelle est strictement imbriquée de niveaux de formulation. En fait, un concept peut être formulé tout au long de la scolarité de différentes façons. Il ne s’agit pas d’une vulgarisation de mots, ou, de simplification. L’idée c’est d’avoir différents niveaux de formulation qui s’articulent les un aux autres et qui se complètent.

Prenons par exemple le chapitre de la respiration. Il est traité de différentes façons tout au long des séances et des classes. Le premier niveau est la respiration externe. C’est un niveau mécanique où on observe l’air qui entre (l’inspiration) et l’air qui sort (l’expiration). Le deuxième niveau est la respiration interne où on arrive à la composition des gaz (C02…). Le troisième niveau c’est le traitement du métabolisme au niveau cellulaire.

Le savoir dans ses différents niveaux de formulation représente une conquête de concepts et de représentation intégrée d’où le savoir est un moyen de dépassement et d’évolution scientifique et linguistique.

La didactique, une provocation des enseignants

La didactique avec son appareil conceptuel pourrait pousser l’enseignant à améliorer les qualités de sa professionnalisation. Elle est une provocation envers les enseignants dont les croyances reposent sur leur propre intuition, c’est-à-dire sur une lecture et une interprétation insuffisamment critique de leur expérience en classe.

Provoquer l’enseignant dans ses routines de classe c’est l’obliger à se doter de nouveaux concepts d’analyse et de reconstruction à même de régénérer la portée de son action pédagogique et d’améliorer son rendement éducatif en classe, tout en pensant à adapter ses actes de médiation à la réalité de sa classe et au niveau réel de ses apprenants vis-à-vis de leur réalité sociale et matérielle, de l’évaluation des situations d’apprentissage et des résultats obtenus.

L’enseignant averti qui construit ses compétences professionnelles tout en assimilant les apports de la didactique et les théories sous jacentes, pourrait envisager son travail en toute lucidité, et apporter de l’aval à tout apprenant en difficulté. Ainsi la didactique pourrait être l’objet d’une nouvelle entrée à l’apprentissage voulu et orchestré par l’élève lui-même dans le giron de son enseignant dont le rôle essentiel est d’accompagner ses apprenants dans leurs processus d’apprentissage tout en adaptant ses médiations aux situations d’apprentissage et au réel vécu de ses élèves, pour favoriser le déclenchement de l’action métacognitive seule garante d’une bonne évolution dans l’apprentissage; et en calibrant ses étayages pour servir à la carte, et aux besoins de chaque apprenant, l’aide courue.

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