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Modifications morphologiques et syntaxiques

Dans le but de faciliter la compréhension des textes, les chercheurs ont étudié certaines variables qui pourraient agir sur le niveau de difficulté d’un texte, entre autres, le vocabulaire, la syntaxe et les articulateurs. À partir de quelques études, nous allons essayer de mieux comprendre la pertinence des modifications morphologiques et syntaxiques et des ajustements linguistiques au regard du niveau de difficulté des textes.

La capacité de comprendre un texte

Les mots fréquents, familiers, sont plus faciles à reconnaître. C’est ainsi qu’un auditeur qui parvient à isoler des éléments lexicaux, même si les relations grammaticales sont quelque peu difficiles à établir, pourra dans bien des cas reconstruire le sens propositionnel d’un énoncé. Une syntaxe complexe utilisant des enchâssements et de nombreux articulateurs logiques. Plus caractéristique de la langue écrite, peut limiter grandement la capacité de comprendre un texte. On préférera donc moins de subordonnées, des articulateurs plus courants du type de ceux qui sont utilisés en langue parlée comme mais ou et. Par opposition à certaines constructions plus complexes, comme en dépit de, bien que.

Pour certains chercheurs, toutefois, la difficulté d’un texte ne peut être entièrement déterminée par ces critères. Les expériences démontrent en effet qu’un texte vivant, intéressant est toujours plus facile à comprendre, indépendamment des difficultés lexicales ou syntaxiques.

Dans le domaine de la langue étrangère, on s’intéresse également à ces modifications lexicales ou syntaxiques, aux articulateurs. Enfin à plusieurs éléments qui pourraient avoir des incidences sur le niveau de difficulté. Les observations portent, comme pour la langue maternelle, sur des textes qui ont été préalablement modifiés avant de les utiliser dans des activités de compréhension. Mais également sur les échanges entre locuteurs natifs et interlocuteurs en langue étrangère.

Durant l’interaction verbale, le locuteur natif essaie de se mettre au diapason linguistique de ses interlocuteurs en langue étrangère. En sélectionnant des formes simplifiées pour accomplir des fonctions langagières bien précises. Mais n’existe-t-il pas un danger de s’en tenir à ces formes simplifiées finalement peu réelles ? Voici un compte rendu de quelques études portant sur des textes préalablement modifiés. Ainsi que sur des textes spontanés de type conversationnel où les modifications linguistiques se négocient au fur et à mesure de l’échange langagier.

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Textes préalablement modifiés

Un certain nombre d’études ont montré que la redondance de parties d’énoncés jouait un rôle assez important en compréhension orale. Pour Sa part, Kelch qui a analysé les effets de modifications morphologiques, lexicales et syntaxiques avec 26 étudiants japonais, chinois et espagnols de niveau intermédiaire en anglais langue étrangère, n’a pas noté d’amélioration de la compréhension. En revanche, en ajoutant à ces modifications un débit plus lent dans le déroulement du texte informatif, donné en dictés aux mêmes apprenants. Leur capacité de compréhension augmentait de façon significative.

Dans une expérience récente, menée avec 388 étudiants chinois de niveaux intermédiaire, fort et faible en anglais langue étrangère. Chiang et Dunkel (1992) ont montré que la répétition de déterminants et de substantifs. De même que l’utilisation de paraphrases et de synonymes contribuaient à l’amélioration de la compréhension. En particulier au niveau intermédiaire fort. Par contre, la redondance peut aussi concourir à rendre un texte plus difficile pour des apprenants en début d’apprentissage qui doivent alors traiter davantage d’informations au moyen de ressources linguistiques souvent fort limitées.

L’ordre des mots, la place de la phrase clé dans un paragraphe exercent une influence sur la compréhension. À partir de 36 textes courts, Glisan (1985) a en effet montré que certaines constructions syntaxiques étaient plus complexes que d’autres pour des apprenants en langue étrangère. Du fait qu’elles n’existent pas ou sont plus rares dans leur langue maternelle. C’est ce que l’on constate en particulier pour le type de phrase verbe-sujet-objet, qui existe en espagnol mais pas en anglais. Et pose donc un certain nombre de difficultés aux anglophones apprenant l’espagnol. Même s’ils sont d’un niveau avancé. Il est donc important de sensibiliser les apprenants à ces constructions qu’ils n’ont pas eu l’occasion de rencontrer en langue maternelle.

Les indices linguistiques

Pour leur part, Chaudron et Richards (1986) ont mené une expérience intéressante. Ils montrent que certaines marques linguistiques assurant la cohésion (liens entre les phrases ou parties de phrase) et la cohérence textuelle (liens entre les parties du discours) facilitaient la compréhension orale d’un exposé préparé à partir d’un document écrit. Dans le cadre de cette expérience conduite avec 152 apprenants en anglais langue étrangère. Les chercheurs ont constaté que l’ajout de micro-marqueurs et de macro-marqueurs facilitaient l’appréhension de ce type d’exposé qui, en général, contient peu de marqueurs.

En s’appuyant sur la recherche menée dans le domaine, Oxford (1990) a proposé une liste d’indices linguistiques qui aident l’apprenant en langue étrangère à inférer le sens du texte qu’il écoute. Parmi ces indices, on retrouve les préfixes, les suffixes, les congénères, l’ordre des mots. Les micro-marqueurs comme premièrement, deuxièmement, et les macro-marqueurs comme maintenant, nous allons parler de, jusqu’à maintenant nous avons vu, en résumé, etc.

Bien entendu, ces modifications morphologiques, lexicales ou syntaxiques n’ont pas la faveur de tous. Même si les textes, une fois simplifiés, sont mieux adaptés à certains niveaux de compétence linguistique. ScarCella et Oxford (1992) ont dressé une liste des avantages et des inconvénients de cette technique. Ils soutiennent qu’il est bien de rassurer l’élève en début d’apprentissage mais que, par la suite le recours continu à ce type de texte est à éviter en compréhension orale. Quelles raisons invoquent-ils ? Les textes simplifiés ne préparent pas convenablement à comprendre un échange authentique. Ce qui déclenche alors chez les apprenants des sentiments de frustration. Voire de colère lorsqu’ils se trouvent en situation réelle de communication.

modifications morphologiques

Les textes spontanés

On parle de communication exo-lingue quand les partenaires d’un échange verbal ne maîtrisent pas de la même façon le code linguistique utilisé dans l’échange. C’est la situation que l’on rencontre avec des interlocuteurs de langues maternelles différentes. L’échange se fait souvent dans l’une des langues. Ce qui entraîne une relation d’inégalité pour l’étranger qui communique dans une langue étrangère. Le locuteur natif, quant à lui, saisit souvent rapidement les difficultés linguistiques de son interlocuteur. Et réorganise en conséquence sa fonction d’écouter ou de parler. Il arrive également que le locuteur natif poursuive la conversation dans la langue maternelle de son interlocuteur. Comme cela se produit souvent dans un milieu bilingue. L’étude de Neufeld révèle en effet que, dans un milieu bilingue, la détection d’un accent amène le système d’aiguillage du sujet bilingue à s’adapter à son interlocuteur. Et ce en changeant de code linguistique ou de langue.

Les adaptations linguistiques que fait le locuteur natif qui s’adresse à des interlocuteurs dans leur langue étrangère ont été aussi fréquemment étudiées. Ainsi, Henzl a montré que les professeurs de langues utilisent des phrases plus courtes avec moins de subordonnées. Qu’ils préfèrent souvent le présent à un autre temps. Et qu’ils font un usage fréquent de synonymes lorsque le vocabulaire présente des difficultés.

Influence des modifications morphologiques

À l’occasion d’échanges entre des locuteurs de langue étrangère et des locuteurs de langue maternelle. Derwing a étudié 14 façons dont ces derniers essayaient d’adapter leur discours au niveau de leurs interlocuteurs de langue étrangère. En bref, l’expérience s’est déroulée comme suit. 16 locuteurs de langue anglaise ont été jumelés chacun avec un autre locuteur de langue anglaise. Et un locuteur de niveau intermédiaire faible en anglais langue étrangère. Ces 16 locuteurs ont visionné un court film qu’ils ont dû, par la suite, relater séparément à leurs deux partenaires.

Les résultats de l’expérience montrent que l’usage de mots très usités facilite la compréhension des apprenants en langue étrangère. Alors que les pauses nombreuses, c’est-à-dire un débit lent, semblent avoir un effet adverse. De la même façon, une abondance de détails contribue à augmenter la difficulté de la tâche pour ces mêmes apprenants. Qui en viennent à ne plus savoir comment faire la part entre l’important et l’accessoire.

Diversité des travaux sur les modifications morphologiques

À partir d’une étude sur le vocabulaire, conduite en anglais langue étrangère avec deux groupes d’apprenants japonais de niveaux intermédiaires fort et avancé. Ellis, Tanaka et Yamazaki ont démontré la supériorité d’activités de type interactionnel. Plus précisément des échanges entre enseignants et apprenants où s’effectuent des modifications morphologiques pour rendre un input compréhensible. Par opposition à des tâches plus classiques de compréhension où l’élève répond à des questions sur des textes préalablement simplifiés.

Les résultats de la recherche montrent non seulement que ces activités sont meilleures sur le plan de la compréhension. Mais également sur celui de l’acquisition. Fait intéressant, l’étude a également révélé que les apprenants ayant été très actifs dans la négociation du sens de mots nouveaux. Ils ne les avaient pas mieux compris que les élèves qui avaient été simplement exposés à certains ajustements linguistiques. Et qu’ils n’avaient pas non plus appris davantage de mots. En tant que didacticiens, il nous arrive souvent de forcer la note pour rendre la participation plus active en classe. Voilà de quoi nous faire réfléchir.

Ce qui frappe, à l’examen de ces travaux en langue étrangère, c’est la diversité. Diversité au regard des niveaux étudiés, de la langue maternelle des apprenants, des types de textes, des tâches de compréhension, etc. Il y a là une difficulté majeure pour quiconque voudrait généraliser les résultats des expériences. Toutefois, les travaux en cours sur des activités de type interactionnel semblent très prometteurs. Propres à contribuer effectivement à l’apprentissage d’une langue étrangère. Il s’agira donc d’apprécier véritablement si ces pratiques peuvent motiver l’apprenant. Et l’aider à progresser dans la compréhension de nouveaux sens.

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