Enfance

Mouvements pubertaires et enjeux de l’adolescence

La puberté entraîne un grand bouleversement physique et psychologique avec, en point d’orgue, le développement du corps dans ses dimensions de croissance et de maturation génitale. L’avènement est un grand bouleversement au-delà des transformations hormonales que la puberté occasionne, bien que celles-ci aient quelques actions ponctuelles sur le comportement des adolescents. Les mouvements pubertaires sont multiples et peuvent être regroupés selon trois axes : la puberté physiologique y compris celle cérébrale, psychologique et sociale. Ces trois niveaux vont interagir entre eux rendant compte de la complexité mais aussi de la richesse de cette période de la vie.

Mouvements pubertaires

Les mouvements pubertaires physiologiques, le cerveau en pleine mutation

Le niveau biologique et physiologique comprend toute une partie corporelle visible mais aussi une partie cachée. Il s’agit de la puberté dite cérébrale, car elle rend compte de modifications importantes touchant la structure même du cerveau. Ces mouvements pubertaires sont d’autant plus intéressants qu’ils pourraient expliquer certains comportements, certaines spécificités de l’adolescence. L’imagerie cérébrale a mis en évidence deux grandes métamorphoses au sein du cerveau.

Le premier phénomène est appelé pruning. Ce qui signifie élagage. Environ 30 000 synapses disparaissent par seconde au début de la puberté, vers l’âge de 14 ans. Ce processus se poursuivra de manière dégressive jusqu’à l’âge d’environ 23 ans. Cet élagage semble suffisamment conséquent pour fragiliser momentanément le fonctionnement normal de l’activité neuronale. Les connections synaptiques les plus efficientes resteront et celles qui ne servent plus disparaîtront.

Le second phénomène est ce que l’on appelle la démyélinisation- remyélinisation. Il survient au niveau de la substance blanche qui entoure les dendrites. La myéline est une sorte de gaine dont la fonction principale est de réguler l’influx nerveux traversant les neurones. Au moment de l’adolescence, cette gaine se transforme, ne joue plus son rôle de régulateur et l’individu se voit soudainement dans l’incapacité de moduler l’intensité des informations émanant de son cerveau. Les émotions, les perceptions et les réflexions peuvent devenir incontrôlables et les comportements réactionnels plus impulsifs. Ce processus de maturation neuronale s’étend sur plusieurs années de 13 à 23 ans.

Le cerveau est en pleine mutation. Il devient un nouvel outil pour l’adolescent. Cet outil est très performant pour tout ce qui touche aux perceptions et aux sensations. L’adolescent doit apprendre à l’apprivoiser en le testant. L’adolescent dessinera les limites de ses capacités cérébrales cognitives et émotionnelles à partir d’épreuves de toutes sortes.

Les mouvements pubertaires psychologiques

En effet, la construction de la confiance en soi sera réactualisée au cours de l’adolescence. Si elle est la résultante de réaménagements permanents, elle subit un véritable tremblement à l’adolescence dont le préadolescent ressent les prémices. Vers 11-12 ans, l’enfant perçoit l’imminence d’un changement susceptible de modifier profondément son corps et même tout son être. Afin de s’armer pour cette traversée, certes par certains aspects attrayants, mais de prime abord plutôt inquiétants, l’enfant se tournera vers un autre lui-même. C’est-à-dire mettra en place le double narcissique. Le choix de ce meilleur copain est particulièrement important dans le devenir du préadolescent. Le double narcissique servira de soutien à la reconstruction de la confiance en soi. Chacun s’appuyant sur l’autre afin de colmater les brèches ouvertes par la puberté dans le narcissisme.

C’est une étape importante dans le psychisme humain où ce travail sur un soi projeté permet, grâce à la distance corporelle, d’y prendre du plaisir. C’est un plaisir réparateur du narcissisme sans être narcissique. L’étranger est en fait un soi un peu autre. Et il est plaisant, voire jubilatoire, de retrouver des repères familiers dans un nouveau pays.

La conséquence la plus commune de ce double du début de l’adolescence est le fléchissement scolaire. Pour l’élève fragile sur le plan narcissique, l’intensité du processus serait à l’origine d’un échec scolaire, d’absentéisme et de rupture des apprentissages. Le débordement psychique attribuable à ces tensions peut même pousser l’adolescent à renverser le sentiment de passivité en agir violent. Une autre voie est le refuge dans la consommation de produits, comme l’alcool, qui ont des vertus anesthésiques et calment les tensions internes. Enfin, la possibilité de répartir les investissements, afin d’en diminuer l’intensité, est à l’origine du phénomène de bande.

Mouvements pubertaires et adolescence

La puberté sociale

Comment la société me reconnaît-elle comme adolescent et comme futur adulte ? Compte tenu de la visibilité immédiate des mouvements pubertaires corporelles chez la fille, elle se sentira devenir adolescente grâce à la reconnaissance d’un changement dans le regard porté sur sa nouvelle silhouette par les hommes mais aussi par les femmes. Pour les garçons, c’est beaucoup plus difficile, et la possibilité d’être reconnu comme adolescent ne se fera pas par des modifications physiques visibles. Il y a cependant la mue, mais celle-ci montre une certaine fragilité autour de la question de « pouvoir se poser ». Donc la voix, la parole, n’est pas un moyen positif pour être reconnu comme adolescent. Par contre, le fait d’être bruyant, de casser, de vivre des troubles de comportement, de consommer des substances illicites est à nouveau un moyen pour l’adolescent de s’exposer, d’être vu, d’être reconnu comme adolescent.

Ce mouvement pubertaire est un processus, c’est-à-dire qu’il se développera dans le temps et de manière non linéaire. L’image renvoyée à l’adolescent est l’impossible droit à l’erreur. Toute décision engage définitivement. La pression permanente sur la nécessité de choix fragilise. Chaque choix engage un peu plus l’adolescent sur le chemin du monde adulte. Certains ne sont pas prêts et vont choisir l’échec. L’échec rassure. Il est prévisible, reproductible et engendre toute une série de réactions parfaitement connues et maîtrisables. Il met l’individu en panne dans ses projets. Souvent, il peut ne s’agir que d’un passage. Mais les exigences plus ou moins implicites de trouver une identité en regard du projet de société qu’est le système scolaire entraînent parfois l’adolescent à prendre l’échec comme une quête identitaire.

En résumé…

L’adolescence est une étape formidable de la vie. Où les mouvements pubertaires importants de l’ensemble de l’être bouleversent l’individu dans son rapport au monde. Parmi ceux-ci, la sensibilité émotionnelle spécifique à cet âge est peut-être une chance pour l’humanité. Elle permet de colorer ses désirs, de façonner par l’épreuve une conscience de soi actualisée par la nécessité d’une indépendance vis-à-vis de la conscience de la dépendance à l’autre. Devant une mutation accélérée du monde, on a le devoir et la mission d’aider l’ensemble des enfants à trouver leur chemin, de plus en plus soumis et interrogé sur le plan du singulier. Pour garder un pied dans le merveilleux, utile à l’élaboration des angoisses spécifiques à cette métamorphose, l’adolescent a besoin de se sentir soutenu, aimé, respecté et encadré par des adultes confiants dans l’avenir qu’ils proposent à leurs enfants et curieux des mouvements d’une jeunesse forcément subversive.

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