Pédagogie

Pourquoi et comment exercer une autorité pédagogique ?

Nous chercherons, dans cet article, à établir une exploration sémantique du concept autorité pour statuer sur ses fonctions et penser les modalités de son exercice en situation pédagogique et didactique.

Ce que parler de l’autorité veut dire

Du point de vue étymologique le concept d’autorité désigne un pouvoir légal qui s’exerce dans une logique de puissance publique sans recours à la contrainte physique. Il s’agit d’un lien moral spécifique qui s’exerce dans la pleine reconnaissance réciproque de celui qui est autorisé à l’exercer ainsi que de sa destination.

Au-delà de ces considérations sémantiques, l’exercice de l’autorité constitue la résultante complexe d’une dimension psychosociale relative à la maîtrise des compétences et la capacité à représenter l’institution sociale. C’est pourquoi, l’autorité est souvent considérée comme un phénomène social et psychologique. L’autorité est un phénomène social dans la mesure où la personne qui fait autorité est dotée d’une légitimité légale à représenter les idées et les institutions qui la désignent. L’autorité est également un phénomène psychologique en ce sens où celui qui fait autorité est investi d’une compétence identifiable et observable.

autorité pédagogique en classe

La fonction de socialisation

L’autorité est un impératif catégorique pour l’apprentissage et la socialisation. Dans une logique de socialisation, l’autorité est nécessaire aux enfants au même titre que l’affection. L’absence d’autorité déstructure et installe l’enfant dans l’anxiété et l’inconsistance. Avant la psychanalyse, J.J Rousseau (1970) a suggéré l’idée d’une frustration nécessaire à l’équilibre de l’enfant . « Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? C’est de l’accoutumer à tout obtenir ; car ses désirs croissant incessamment par la facilité de les satisfaire. Tôt ou tard, l’impuissance vous forcera malgré vous d’en venir au refus. Et ce refus inaccoutumé lui donnera plus de tourment que la privation même de ce qu’il désire. »

Pour Mélanie Klein (1989), Il est important de se rendre compte que le développement de l’enfant dépend de son aptitude à trouver le moyen de supporter les frustrations inévitables et nécessaires qui, dans une grande mesure, participent à la formation de ce développement. L’autorité a donc pour fonction de faire accéder le sujet à des attitudes de moins en moins infantiles. Et de lui permettre de vivre en harmonie avec les normes de la société. L’autorité est ici une conduite nécessaire pour permettre à l’enfant d’apprendre à vivre ensemble et respecter la liberté des uns et des autres. Dans une perspective plutôt sociologique, Durkheim (1963) montre que la discipline constitue la forme scolaire de la moralité. La socialisation est ici considérée comme le processus par lequel la société impose à l’enfant ses règles et ses normes. D’où la nécessité d’une pédagogie d’autorité et autoritaire.

La fonction d’apprentissage/enseignement

Outre sa fonction de socialisation, l’autorité est également nécessaire pour l’optimisation du processus apprentissage/enseignement. Pas de transmission du savoir dans la confusion. Pas d’apprentissage ni de consolidation de celui-ci dans le bruit et le désordre. L’acte d’apprendre doit s’effectuer dans un minimum d’organisation. L’autorité est perçue comme participant de la finalité de faire acquérir un savoir. Appliquer les règles d’une bonne conduite ainsi que respecter et obéir les consignes de l’enseignant sont considérés comme des éléments favorables non seulement à l’acquisition mais aussi à la consolidation des connaissances. L’autorité a, ainsi, pour fonction un contrôle qualitatif de l’apprentissage et des acquisitions.

Cependant, S’il est évident que l’exercice de l’autorité est fondamental pour le développement personnel, il n’en demeure pas moins évident que l’abus de pouvoir et l’autoritarisme exagéré constituent une source d’angoisse et de frustration qui peut installer le sujet dans les ténèbres de la violence et des attitudes agressives. En d’autres termes, il est évident que l’autorité pédagogique permet la socialisation et l’acquisition du savoir. Sa finalité suprême est de favoriser l’autonomie du sujet. L’autorité pédagogique et éducative est à concevoir dans cette interface : hégémonie/ autonomie.

Les pratiques de l’autorité pédagogique

Certes, l’on peut relever dans le comportement quotidien de l’enseignant plusieurs formes de l’exercice de l’autorité. Cependant cette diversité n’exclut pas l’hypothèse de souligner que la pratique de l’autorité chez l’enseignant fonctionne soit dans une logique préventive soit dans une logique répressive et ce en fonction de son image de soi, de l’effet de l’expérience, de ses interactions au sein du groupe et de ses représentations de l’élève, de la discipline et en général du métier de l’enseignement.

autorité pédagogique enseignante

Le registre préventif

Le registre préventif concerne les attitudes d’enseignants tentant d’imposer des règles et des mesures voulant limiter les débordements comportementaux, de l’élève ou du groupe. Plusieurs stratégies sont appliquées dans le cadre du registre préventif. A titre d’exemples, l’on peut citer :

  • La dissuasion : Dispensée de façon ponctuelle, elle a pour mission d’énoncer ou de répéter les règles de classe et/ou les exigences de l’enseignant. Sa fonction est préventive, visant à informer l’enseigné, dans un but de non transgression des règles. L’autorité « dissuasive » fait alors partie d’une stratégie de l’enseignant, qui vise à créer une série de représentations chez l’enseigné.
  • La motivation : elle peut faire partie d’une forme de contrat moral entre le sujet apprenant et l’enseignant : l’objectif de cette motivation est de préserver l’élève de tomber dans des attitudes de rejet et d’adoption des conduites qui empêchent son apprentissage et affectent le climat psychosocial de la classe.
  • L’explicitation : l’enseignant justifie ses interdictions, consignes, ordres, dans le but d’une prise de conscience de l’enseigné de ses exigences afin de l’inciter à les adopter et les assimiler dans ses conduites.
  • L’organisation pédagogique : les modes d’organisation pédagogiques notamment la variabilité des situations d’apprentissage (collectives, interactives, individuelles), les travaux de groupes, les ateliers sont des dispositifs préventifs qui pourraient limiter les débordements des élèves et assurer un climat de discipline. de représentations chez l’enseigné.
  • Valorisation et renforcement : afin d’adopter une autorité préventive, certains enseignants préfèrent valoriser, encourager l’élève pour canaliser ses agressions et l’empêcher de tourner à la violence et contourner l’affrontement.

En définitive, ces formes variées du registre préventif constituent des stratégies d’évitement de conflits ou, mieux encore, un contournement de type organisationnel des débordements.

Le registre répressif

Sans prétendre proposer un tableau clinique des signes psychopédagogiques de la pratique répressive, on peut cependant décrypter plusieurs indices annonciateurs d’une conduite répressive, insouhaitable, chez l’enseignant.

  • Regard fixe, insistant, de plus en plus sombre à l’égard de l’élève ou du groupe considéré comme source de débordement;
  • Des transactions communicatives bloquées avec les élèves en question ou, dans les meilleurs des cas, des réponses laconiques limitées
  • Voix forte, cris, hurlements.
  • Proximité et diminution de la distance physique avec les élèves considérés comme agités.
  • La rigidité pédagogique s’apparente à un « système de forces »; l’élève ne doit ni se déplacer ni parler (l’exigence du silence complet)
  • Une surveillance accrue et continue de l’élève : l’absence de confiance envers l’enseigné constitue une amorce de la répression. L’enseignant accroît sa surveillance à l’égard de l’élève et du groupe soupçonné.
  • La sanction : elle est appliquée selon diverses procédures de la mise à l’écart de l’enseigné jusqu’au renvoie de la classe.
  • Le renforcement évaluatif : de par son ouverture au monde extérieur et notamment les parents, l’évaluation pourrait induire la crainte chez le sujet apprenant.

Quelle que soient les modalités de son exercice, la répression n’est rien d’autre qu’une pratique visant, plus ou moins implicitement, la soumission de l’enseigné. Ainsi, si les résultats de la répression ont quelquefois des effets immédiats, ils ne sont jamais durables. Toute tentative de répression engendre une résistance de la part sur qui elle s’exerce. Les réactions à l’égard de la répression varient: attitude négative et hostilité ouverte, climat de tension, angoisse. On assiste à une docilité apparente marquée par une apathie, indifférence et ennui.

C’est pourquoi nous estimons que l’autorité pédagogique se révèle fondamentalement comme relation d’influence légitimée par la reconnaissance de ceux sur lesquels elle s’exerce.

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