Psychologie

Tout savoir à propos des dyspraxies (2)

Comme déjà abordé au niveau du premier article intitulé : « Tout savoir à propos des dyspraxies (1) », l’enfant doit acquérir peu à peu de nouvelles aptitudes et de nouveaux gestes grâce à des apprentissages par imitation ou par enseignement explicite. A ce moment, un « recyclage neuronal » se déclenche et aboutit à la création de nouveaux réseaux de neurones dédiés à ces nouvelles aptitudes. Ainsi, L’enfant s’automatise le nouveau geste.

La pathologie gestuelle

On peut comprendre les anomalies du geste des jeunes dyspraxiques comme une incapacité particulière de ces enfants à effectuer cet indispensable « recyclage neuronal », ou du moins à le mener à son terme, à savoir l’automatisation du nouveau savoir ou savoir-faire. En fait, on peut comprendre l’ensemble des troubles neuro-développementaux comme des troubles de l’automatisation. Cependant, en ce qui concerne la dyspraxie, rappelons que le trouble de l’automatisation des gestes est un des symptômes parmi les autres (comme les troubles des traitements spatiaux) et ne résume pas la pathologie gestuelle.

dyspraxies et pathologie gestuelle

Les erreurs d’interprétation des troubles

En ce qui concerne le geste, peu de personnes réalisent à quel point son automatisation est indispensable à sa réussite. Les gens sont au contraire persuadés que l’enfant maladroit ne fait pas assez attention, ou qu’il doit s’appliquer plus. Ces erreurs tiennent probablement à deux facteurs :

  • D’une part, le ressenti subjectif des adultes qui n’ont accès qu’à l’aspect volontaire, délibéré du geste (intention préalable, projet de geste);
  • D’autre part, la confusion entre l’échec ou la maladresse gestuelle de l’enfant et ce que l’on observe durant la phase d’apprentissage, où attention et application sont en effet indispensables.

Ces erreurs d’interprétation, qui font confondre pathologie du développement du geste et défaut d’entraînement, sont malheureusement à l’origine de nombreuses tentatives de rééducation au cours desquelles on propose sans fin à l’enfant de faire et de refaire les gestes qu’il est dans l’incapacité d’automatiser! Or c’est justement ce qui définit la pathologie : en dépit d’un apprentissage habituel, voire même déjà renforcé, l’enfant dyspraxique ne peut pas acquérir le geste harmonieux et efficace comme ses pairs.

Or un geste efficace (une fois l’apprentissage terminé) est un geste automatisé, c’est-à-dire qui ne réclame aucun (ou peu de) contrôle conscient (attentionnel). Lors d’un apprentissage gestuel, tant que le sujet garde un contrôle conscient sur sa production, la performance est lente et imparfaite, mais dès que le contrôle devient automatique, le geste est rapide, fiable et harmonieux. Un geste automatisé, qui ne réclame aucun contrôle conscient pour son exécution, est non seulement harmonieux et facile (ne générant pas de sensation de fatigue), mais aussi, à coup sûr, réussi.

Défaut d’automatisation du geste et double-tâche

Aussi, il est fondamental, chez l’enfant dyspraxique, de prendre en compte les conséquences de la non(ou insuffisante) automatisation des gestes appris : maladresse, mais aussi lenteur de réalisation, fatigabilité et situation quasi permanente de « double-tâche ».

Cette dernière, comparable à la partie immergée de l’iceberg que constitue le handicap de l’enfant, est en fait responsable de l’échec scolaire cumulatif que subissent ces enfants : plus ils s’appliquent (à écrire, à tirer un trait proprement, à ranger leur trousse ou leur classeur, etc.) et moins ils apprennent! Consacrant l’essentiel de leurs ressources attentionnelles au contrôle du geste, ils ne disposent plus de ressources suffisantes pour comprendre, écouter, mémoriser, faire des liens, déduire, etc. Ce surhandicap masqué, méconnu, constitue souvent le point d’achoppement des projets thérapeutiques conçus pour les jeunes dyspraxiques et la raison principale d’échecs extensifs qui paraissent alors inexplicables.

De quelques « dys » éventuellement associés

Certains jeunes dyspraxiques peuvent aussi souffrir simultanément d’un autre dys associé, ce qui modifie profondément le projet thérapeutique, le pronostic, voire l’orientation souhaitable pour le jeune sujet.

Par exemple, le fait de ne pas accéder à une écriture satisfaisante aux exigences de la scolarité est un symptôme qui peut ressortir de maints diagnostics : moteurs (syndrome cérébelleux, etc.), cognitifs (syndrome dys-exécutif, dyspraxie, dyslexie), psychologiques ou autres (crampe de l’écrivain, etc.). En effet, affirmer, par exemple, qu’il s’agit d’une dysgraphie dyspraxique suppose de s’être assuré d’un certain nombre d’éléments :

  • sur le plan qualitatif, l’écriture est lente, cabossée et irrégulière, s’aggravant avec le temps et la fatigue; le dessin est toujours au moins aussi atteint (sinon plus) que le graphisme;
  • les épreuves d’accélération montrent une insuffisance ou une impossibilité d’accélérer, ce qui implique non seulement que l’enfant écrit en permanence à sa vitesse maximale. Mais, il traduit aussi le fait qu’il est obligé de contrôler son geste (reflet de la non-automatisation du graphisme manuel);
  • enfin, la dysgraphie dyspraxique n’est pas isolée: elle s’intègre dans le cadre de troubles des traitements spatiaux, de gêne dans les gestes de la vie quotidienne et/ou les loisirs.
dys et dyspraxies

Ce diagnostic est important, car, au-delà du fait qu’en affirmant qu’il s’agit d’une dysgraphie dyspraxique, on peut anticiper (et donc prévenir, au moins partiellement) les handicaps liés aux troubles spatiaux associés, il implique que l’automatisation du graphisme est quasi définitivement compromise. Cela a évidemment d’importantes implications dans les décisions thérapeutiques.

L’association des troubles, une nouvelle entité à diagnostiquer

Il ne faut pas comprendre ces associations comme une simple addition de troubles (et encore moins comme une juxtaposition de rééducations!), mais bien comme une nouvelle entité émergente, génératrice de difficultés particulières, devant conduire à une révision des objectifs et une construction très « pointue » du projet.

Si l’on évoque d’autres exemples comme une dyslexie, une dyscalculie ou un trouble attentionnel/ dys-exécutif associé, il faudra bien préciser s’il s’agit :

– d’un symptôme, répercussion habituelle de la dyspraxie dans tel ou tel secteur des apprentissages (dyscalculie spatiale, dyslexie visuelle, déficit de l’attention visuo-spatiale, en général tous symptômes possiblement secondaires à une dyspraxie),

– d’une autre pathologie cognitive associée, par exemple, trouble du sens du nombre ou dyslexie phonologique, déficit de la mémoire de travail ou de la mémoire à long terme auditivo-verbale et syndrome dys-exécutif.

Ces précisions sont primordiales Ils délimitent et légitiment le choix des diagnostics nécessaires et les possibilités de la prise en charge du sujet concerné. Enfin, on entend quelquefois dire que « peu importe le diagnostic, il faut éradiquer ou au moins réduire au mieux le symptôme ». C’est, de notre point de vue, une erreur très dommageable pour les jeunes auxquels nous nous adressons. Porter le diagnostic précis du type de dys dont souffre le sujet permet d’anticiper et d’adapter au mieux les stratégies d’apprentissage et les exigences d’enseignement par la suite en lui évitant des apprentissages inefficaces, des indications inadaptées et de sévères désillusions.

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