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Vers un enseignement différencié de la lecture

Les études ont montré l’intérêt de la spécificité des interactions enfant-enseignant de la maternelle à la troisième année de primaire en fonction des connaissances initiales de l’enfant en insistant sur l’intérêt d’une pédagogie différenciée et adaptée à l’enfant. Toutefois, ces études sont souvent de nature descriptive et corrélationnelle. Le rôle causal des interactions enfant- enseignant sur le développement des compétences en lecture, dans le cadre d’un enseignement différencié, n’est pas clair.

L’enseignement de la lecture envisagé selon deux dimensions

Connor et al. ont effectué un essai comparatif randomisé dans 10 écoles et auprès de 47 enseignants. Afin de tester les effets de l’individualisation de l’enseignement de la lecture en première année. Les enseignants ont reçu un logiciel qui prenait en compte. D’une part, les performances des élèves en vocabulaire et en lecture. D’autre part, le niveau visé (par exemple, atteindre un niveau de performances « normal » attendu en fin de 1ère année de primaire) pour créer des algorithmes qui calculaient pour chaque mois le type d’instruction nécessaire. Et le temps à allouer pour chaque enfant afin d’atteindre l’objectif visé.

L’enseignement de la lecture était envisagé selon deux dimensions. Les activités centrées sur le code contre celles axées sur le sens. Les activités gérées par l’enseignant contre celles gérées par l’enfant. Par exemple, un enseignant qui discute d’un livre avec les élèves correspond à une activité gérée par l’enseignant et centrée sur le sens. Une activité où les enfants écrivent des mots correspond à une activité gérée par l’enfant et centrée sur le code. Une telle catégorisation comporte des limites. Dans la mesure où la séquence gérée par l’enseignant peut être très interactive et centrée sur l’enfant.

L’étude de Connor et al. (2007a) a mis en évidence le bénéfice d’un temps d’activité géré par les enseignants et axé sur le code, plus important pour les enfants à risque. Inversement, pour les enfants qui possèdent un bon niveau de connaissances lexicales. Un temps plus important d’activités gérées par l’enfant et axées sur le sens s’avère bénéfique. Un important effet de l’individualisation de l’enseignement a été montré en compréhension en lecture pour les classes expérimentales par rapport aux classes contrôles.

enseignement lecture

Effets de l’enseignement différencié en classe

Peut- on observer des effets d’interventions différenciées en classe sur les performances des enfants ? La réponse est clairement oui si on se réfère à deux méta- analyses récentes sur ce thème. Celle de Hall et Burns analyse les résultats de 26 études examinant les effets d’interventions en groupes. Ces interventions étaient assez générales (visant de multiples habiletés liées à la lecture) ou ciblées (vocabulaire, phonique, compréhension). Leurs principaux résultats sont les suivants :

  • les auteurs relèvent un effet modéré sur les performances en littéracie,
  • un effet plus élevé lorsque l’intervention porte sur une habileté spécifique,
  • les effets de l’intervention sont liés à la taille du groupe et à la durée des interventions, corrélations faibles toutefois.

La méta- analyse de Puzio, Colby et Algeo- Nichols porte sur 25 études de cohortes où des interventions différenciées étaient mises en œuvre dans les classes. Globalement, les auteurs relèvent des effets significatifs sur les performances en lecture de mots et en écriture. Mais par exemple non significatifs en fluence. Par ailleurs, ils notent que dans les études rapportées, différentes approches de différenciation se développent dans les classes incluant l’individualisation. Ou se mènent avec des méthodes alternatives mais non clairement présentées ou justifiées. Globalement ces résultats plaident en faveur d’un enseignement différencié.

enseignement différencié

Qu’en est- il en France ?

Des études dans des classes de CP montrent que la différenciation de l’enseignement ne portait que sur le critère « temps ». En effet, les enseignants (volontaires) du groupe expérimental (Exp) adaptaient le temps de leur intervention dans des ateliers en fonction du niveau de performances des enfants sur ce qui relevait du « code ». Les interventions portaient sur quatre domaines, les habiletés phonologiques, les correspondances graphèmes- phonèmes, le décodage et la fluence. À la fin de l’année les performances des enfants du groupe Exp étaient significativement supérieures à celles du groupe contrôle en lecture et écriture de mots et en compréhension.

L’hypothèse suivante, souvent avancée dans d’autres travaux, à nouveau posée dans cette étude. Si les capacités en décodage sont améliorées, alors les ressources cognitives dédiées à la compréhension devraient être plus importantes. Et donc participer à une amélioration même en compréhension de lecture. Les résultats vont clairement dans le sens de cette hypothèse.

En fait, quels sont les liens entre décodage, fluence et compréhension écrite ? Des analyses complémentaires issues des données sur cette expérimentation ont apporté des éléments de réponse à cette question. On montre que le niveau de décodage explique le niveau de fluence. Qui lui- même explique le niveau de compréhension.

Toutefois, des auteurs dans deux études distinctes conduites avec des CP danois et avec des CM1 allemands précisent qu’un certain niveau de décodage (autour de 70 %) est nécessaire pour stimuler la fluence. C’est un point important à souligner lors d’un enseignement différencié. La fluence ne peut être simulée que si un certain seuil de performance est atteint en décodage. Enfin, on peut dire qu’un niveau de fluence minimum correspondant à environ 50 mots lus par minute permet un niveau de compréhension moyen en lecture.

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