Psychologie

Tout savoir à propos des dyspraxies (1)

De nombreux ouvrages, savants ou pratiques, traitent des troubles spécifiques des apprentissages et des «dys», de leur diagnostic et/ou de leur prise en charge. Ceux concernant les troubles spécifiques du langage sont certainement les plus nombreux. Les dyslexies sont probablement parmi les troubles les mieux documentés.

Au contraire, les troubles non verbaux plus difficiles à différencier d’un défaut de talent, de motivation ou de travail dans tel ou tel domaine des apprentissages, sont moins bien renseignés. La bibliographie les concernant est nettement moins volumineuse.

Dans cet article, on va essayer de définir les troubles non verbaux et plus particulièrement les dyspraxies. On se propose donc de commencer avec la question suivante : en quoi consistent les dyspraxies ?

En quoi consistent les dyspraxies ?

Au sein du groupe des « dys », les dyspraxies désignent les troubles spécifiques du développement gestuel, ce dernier étant indissociable des traitements spatiaux. Or, c’est le terme de « TAC » (troubles d’acquisition de la coordination) et non celui de « dyspraxie » qui désigne ces troubles. Ce terme, TAC, fait clairement référence à l’aspect moteur des troubles (la maladresse, le trouble de la coordination motrice).

Au contraire, le terme de « dyspraxie », lui, fait référence à une pathologie cognitive. Il s’agit de troubles du traitement de l’information (sensori-motrice, visuo-spatiale…) et/ou de la représentation mentale du geste. Ce geste, bien entendu, possède deux caractéristiques: il est cognitif et il est moteur.

dyspraxie maladroite

La réalisation gestuelle

Rappelons que l’intention consciente, la volonté d’agir, le projet de geste, génère normalement automatiquement le plan complet d’exécution motrice du geste. Il s’agit d’une programmation appelée « intention motrice » non consciente. Ce plan d’action est organisé de façon hiérarchique (en étapes). Il résulte d’une analyse automatique de l’environnement, de l’ensemble du contexte dans lequel l’action va s’inscrire et des contraintes inhérentes. Ces dernières sont essentiellement l’état du corps, le contexte visuo-spatial et les informations principalement véhiculées par la voie dorsale ou visuo-motrice.

En fait, l’intention motrice possède ainsi un « format moteur » qui intègre les conditions dans lesquelles se déroule le geste. Elle détermine automatiquement les caractéristiques motrices de l’action. Celles-ci lui permettent, si la décision en est prise, de se transformer immédiatement en une action effectuée.

Arguments en faveur d’un trouble cognitif

Dans cet article on a délibérément choisi de parler de dyspraxie (et non de TAC). En fait, on considère la pathologie du développement du geste comme résultant d’une anomalie cognitive altérant l’intention motrice. Cette pathologie résulte ainsi de la programmation automatique du geste intentionnel et/ou des régulations proactives qui lui sont liées. Plusieurs arguments plaident en faveur de la nature cognitive des troubles.

La consistance des troubles spatiaux

Ils accompagnent constamment la maladresse. D’ailleurs, les enfants ayant ces troubles sont significativement maladroits pour effectuer des gestes ou les reproduire, mais surtout ces enfants sont également en échec dans les épreuves visuo-spatiales, y compris celles qui ne nécessitent aucun graphisme, aucune manipulation, aucun mouvement ni des mains ni du corps, tels par exemple l’orientation du regard. Ces troubles visuo-spatiaux se manifestent donc aussi indépendamment de toute réalisation gestuelle.

Ces troubles ont des conséquences délétères sur les apprentissages, se traduisant en particulier par : des dyscalculies spatiales, des échecs sévères en géométrie et dans toutes les activités sollicitant des traitements spatiaux, qu’il s’agisse de l’analyse, de la copie ou de la réalisation de plans, de cartes, etc.

La difficulté de concevoir un geste sans traitement spatial

La conception du geste ou de l’action est extrêmement difficile indépendamment de ses composantes spatiales, qu’il s’agisse de l’espace corporel, de l’espace préhension ou de l’espace plus lointain dans lequel se situent les objets saisis, les déplacements à faire, les mouvements balistiques à programmer, etc.

Ces traitements spatiaux automatiques font partie intégrante de la programmation de l’action (la voie dite « dorsale », ou occipito-pariétale, voie dédiée à l’intégration des traitements spatiaux dans la réalisation gestuelle, et, dans le cortex pré-moteur, les voies visuelles « pour l’action » dites aussi « visuo-motrices », dédiées au geste). Notons cependant que les ouvrages de référence dans le domaine du TAC, ne consacrent pas de lignes à ces troubles spatiaux ni à leurs répercussions scolaires.

Les troubles associés

Outre les troubles attentionnels et/ou dys-exécutifs, on note la fréquence particulière en premier lieu des agnosies visuelles, en particulier l’agnosie des images. En deuxième lieu, on note la consistance des troubles de la cognition sociale. Dans le cadre d’une anomalie du développement cognitif, il n’y a aucun mystère à ces associations, constantes (traitements spatiaux) ou ponctuelles (traitement du sens, du nombre, traitement de la cognition sociale), qui toutes réfèrent au grand réseau occipito-pariéto-temporal postérieur.

C’est un réseau de l’action et de ses corollaires (reconnaissance et manipulation des outils, analyse de l’environnement spatial et social, schéma corporel, conscience de soi et de l’autre, etc.).

troubles de dyspraxie

Manifestation retardée des troubles

Les enfants dyspraxiques ne présentent pas (ou pas obligatoirement) de troubles précoces de la motricité. Ceci est vrai pour la motricité fine (exemple : pince pouce-index) et même pour des coordinations complexes (exemple : la marche). Ces coordinations se développent souvent sur le plan de la chronologie d’acquisition et de la qualité de la performance. Cela met à mal la volonté de réduire (ou d’inclure) la dyspraxie dans le cadre de troubles « de coordination » ou des « retards psychomoteurs ».

Beaucoup d’enfants dyspraxiques ont un premier développement moteur tout à fait banal, sans aucune particularité ni qualitative ni chronologique. Ainsi, ce premier développement psychomoteur, qui repose sur la maturation d’une « boîte à outils spécifique » innée, n’est pas en cause.

Au contraire, les problèmes des jeunes dyspraxiques commencent de façon retardée. Vers l’âge de 3, 4 ou 5 ans, selon l’intensité des troubles, ces problèmes apparaissent. En effet, c’est le moment où l’enfant doit acquérir des gestes culturellement enseignés (s’habiller, manger, écrire, utiliser certains outils, conduire une petite voiture, etc.). Ces gestes sont facultatifs au regard de l’évolution mais socialement indispensables. D’abord, l’enfant acquiert ces actions grâce à un apprentissage par observation et imitation (environnement familial, scolaire, social). Puis, il les acquiert grâce à un enseignement explicite (explications verbales, démonstrations, entraînements). Ces deux apprentissages génèrent un «recyclage neuronal ». Ce dernier débouche normalement sur la création de nouveaux réseaux de neurones dédiés à ces nouvelles aptitudes. Ce sont manifestement ces apprentissages-là qui sont défaillants chez l’enfant dyspraxique.

Les 2 troubles TAC et Dyspraxie peuvent être associés

Dans cette optique développementale, la dyspraxie serait aux TAC (sur le plan gestuel) ce que la dyslexie est aux dysphasies (sur le plan langagier). Bien sûr, l’enfant souffrant d’un retard psychomoteur ou d’un trouble d’acquisition des coordinations a toutes les raisons de ne pas être en capacité d’apprendre ultérieurement les gestes culturels indispensables à sa socialisation et à sa scolarisation (tout comme l’enfant dysphasique a toutes les raisons d’être en difficulté lors de l’apprentissage du langage écrit).

diagnostic des dyspraxies

Les deux troubles (TAC et dyspraxie) peuvent donc naturellement être associés. Il n’en reste pas moins qu’un enfant qui n’a jamais présenté d’anomalie précoce de son développement psychomoteur peut, lui aussi, être authentiquement dyspraxique.

D’autres informations sont à consulter dans l’article suivant : « Tout savoir à propos des dyspraxies (2)« 

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