Initiation à une éducation esthétique de nos enfants
Aider l’enfant à s’initier à une éducation esthétique sans vouloir en faire un artiste, c’est lui préparer, pour plus tard, de grandes joies et de nobles consolations. En effet, l’art fournit à l’enfant un épanouissement plus heureux, une sensibilité plus aiguisée. Il a un effet sur l’imagination, sur l’intelligence, sur la formation morale.
La période préscolaire est d’une extrême importance
On distingue, dans la vie de l’enfant, plusieurs périodes, pendant lesquelles les aptitudes artistiques et, notamment, l’aptitude musicale, se forment, se développent ou disparaissent. La période préscolaire est d’une importance extrême à cet égard. La sensibilité musicale est déjà bien formée. L’enfant peut reconnaître et imiter des airs, aimer la musique.
Lorsque l’enfant entre dans l’enseignement du premier cycle il n’a malheureusement plus la souplesse qui lui permettrait d’assimiler ce nouvel enseignement qui commence dès l’âge de trois ou quatre ans avec les méthodes contemporaines.
Il n’y a aucun espoir que des adultes qui n’auront pas, pendant leur vie de jeunes, été initiés à un développement artistique, puissent en profiter après. Il ne s’agit pas d’une technique mais d’une sensibilisation : tant que cela n’est pas introduit à l’école, il n’y a aucune possibilité pour que cela puisse venir après.
«Ce serait une grave erreur de s’imaginer que l’éducation esthétique, en tant qu’ouvrière de synthèse totale; doive intervenir seulement, au point d’achèvement de l’évolution psychique et comme son couronnement. Il faut, au contraire qu’elle lui soit étroitement associée. L’art enrichit l’être du bien le plus précieux ; il lui apporte la joie, cette joie qui confère à son existence, harmonie intérieure, équilibre et sérénité, l’épanouissement dans une sensation de vie intense».
Ainsi s’exprime René Hubert qui considère l’éducation esthétique par l’épanouissement des formes supérieures de l’affectivité, la clé de voûte de toute éducation.
L’éducation esthétique, catalyseur d’intervention pédagogique
L’éducation artistique ne peut donc pas être une discipline séparée des autres : elle constitue un catalyseur d’intervention pédagogique. Centrée sur l’art employé comme véhicule d’idées générales, elle est un moyen au service de l’éducation globale de l’enfant. Elle facilite l’action de l’éducation en favorisant l’atmosphère de sympathie. Créant l’intérêt de toutes parts, elle est d’un apport positif à l’œuvre éducative d’ensemble. Il faut qu’elle imprègne tous les enseignements.
Nous ne visons pas à faire des artistes de tous nos enfants ; ceux qui seront des artistes le sont déjà à leur naissance, en quelque sorte, et quelles que soient les circonstances; ils sauront bien en faire la preuve. Mais le devoir de l’école, à l’égard de tout enfant, est de conduire sa personnalité naissante au plein épanouissement dont elle est capable. Nous n’avons pas tous les dons spéciaux qui font les grands artistes. Mais nous pouvons nous enrichir en nous initiant à la création artistique, et en apprenant à apprécier les œuvres d’art. L’éducation doit être une sorte d’initiation, afin que chacun soit aussi bien armé que possible pour mener sa vie personnelle, et pour aider à enrichir la vie d’autrui et celle de la collectivité.
La mission, au niveau scolaire, ne sera pas de produire des artistes professionnels ou de susciter obligatoirement des vocations; mais de former un goût personnel et conscient; la possibilité d’éveiller indirectement des vocations véritables; c’est à dire des esprits créateurs, car l’art relève du phénomène de création et se nourrit de créativité.
Exploiter les ressources de l’actualité
Le but de toute éducation artistique est de développer la créativité naturelle de l’enfant; ce qui exige du temps; des moyens, la diversité des choix et un climat libéral de lui permettre de s’exprimer librement, de créer une attitude de réceptivité.
Dans cet enseignement vivant et proche du monde dans lequel vit l’élève, l’actualité a une très grande importance. L’homme d’aujourd’hui ne peut être simplement le résultat des connaissances du passé. Celles-ci constituent la base de ses réflexions, mais l’événement, la vie du monde présent, doit être absolument intégré à son éducation qui exige la discussion, la confrontation des opinions. Ceci est possible en exploitant les ressources du monde non-scolaire, en pratiquant l’examen compréhensif et l’exploitation intelligente de ce qui nous parvient dans l’agression de l’actualité. Cet examen lucide du présent fait partie de tout processus équilibré.
L’enseignant est au centre de cette rencontre de l’actualité et de l’élève; c’est à travers ses commentaires que l’enfant va voir et juger les événements. Cela suppose que les maîtres sont habitués sans distinction de discipline, à tirer parti du présent; de l’événement d’où qu’il vienne, qu’ils sont prêts à fonder leurs cours sur l’émission de télévision de la veille, le fait du jour, politique, économique ou social, l’exposition d’art abstrait ou le film de la semaine. L’éducation artistique ne doit pas être confondue avec les enseignements artistiques traditionnels ; c’est dans le cadre socio-éducatif le plus vaste qu’il faut l’envisager.
L’enseignement doit donner à chaque individu la possibilité de fonder sa réussite éducative personnelle sur ses intérêts et ses aptitudes particulières. Dans ces conditions, les élèves capables de construire leur formation sur des activités artistiques; doivent pouvoir le faire aussi facilement que s’ils s’appuyaient sur les disciplines intellectuelles traditionnelles, en équivalence de moyens de dignité et de diplômes.
Comment aider l’élève à acquérir la faculté de s’intéresser à l’œuvre d’art ?
Eviter tout enseignement dogmatique, se borner à introduire l’art à l’école (visites de musées, examen d’œuvres à priori; sans préparation au niveau sensible et sous le seul angle des connaissances), renoncer à sa portée éducative ; on ne peut guère; ce faisant, dépasser les limites d’une action extérieure superficielle; incapable de pénétrer le moi profond de l’enfant, incapable d’atteindre à un progrès véritable du goût et de la sensibilité.
De même que progresser dans l’ordre intellectuel, ce n’est pas seulement, ni surtout, acquérir plus de savoir; mais bien intégrer le savoir anciennement et nouvellement acquis à une pensée de plus en plus objective; capable d’analyse et de synthèse, consciente de ses démarches.
De même, il n’est pas d’intégration possible des acquisitions de la sensibilité si, dans le processus de l’éducation artistique, l’école n’est pas dotée d’une méthode applicable à la formation du goût des enfants.
Ce n’est pas par un enseignement dogmatique que nous rendrons l’enfant capable de distinguer ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Il n’y a pas, en art, de règles que nous puissions lui faire apprendre.
La beauté n’est pas une idée que l’esprit conçoit avec rigueur, mais un je ne sais quoi que retrouve un goût juste et fin sous les formes les plus diverses.
Les belles œuvres forment le goût et l’esprit. Pour éveiller l’intelligence de l’enfant il faut d’abord parler à ses yeux et à son imagination; l’esprit va naturellement de la sensation à la pensée. Les belles œuvres et l’ éducation esthétique élèvent le cœur, car ce qui est beau porte en soi une forme purificatrice.
En faisant entrer nos enfants en communion avec les créations éternelles du génie humain, nous les rendons plus aptes à distinguer dans cette vie ou tout est mêlé, ce qui dure de ce qui passe.
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